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Visite du monastère orthodoxe d’Hamatoura

Pendant trois jours, les volontaires ont partagé le quotidien des moines du monastère orthodoxe Notre-Dame d’Hamatoura. Entre atelier égrainage de grenades, visite du lieu saint et instants de prières, ils ont vécu une véritable retraite dans un bel écrin de verdure contrastant avec les ruelles étroites de la ville de Tripoli.

Nous avons rendez-vous dans un ancien moulin au pied de la montagne où se trouve le monastère, au creux de la vallée de la Qadisha, dans un lieu paisible bordé d’un petit ruisseau. Quelle est notre surprise lorsque nous apercevons à l’ombre d’un soleil, déjà chaud pour l’heure matinale, une trentaine de jeunes âgés de 13 et 23 ans ainsi que quelques adultes, affairés à couper et vider les grenades. Des bâtons plats sont mis à notre disposition afin de taper sur la grenade coupée en deux, pour en faire tomber dans des bassines ses nombreuses graines roses et translucides. Les fruits ont été ramassés sur les arbres, dans la propriété de Hamatoura et achetés, pour compléter les stocks, par les moines à des familles pauvres. Nous nous intégrons rapidement dans l’ambiance sereine et joyeuse.

Après avoir écouté quelques chants en arabe, nous nous mettons aussi à chanter tout en continuant à taper en rythme sur les fruits. Frère Séraphin, l’un des huit moines du monastère, nous fait l’honneur de sa présence et nous fait découvrir la beauté des chants orthodoxe principalement en grec. Après plusieurs heures d’égrenage, nous déjeunons au bord du ruisseau où nous commençons à mieux faire connaissance avec les autres travailleurs. Certains s’expriment bien en français, d’autres moins alors nous trouvons le moyen de communiquer dans un mélange de français, d’anglais et d’arabe.

 

Des amitiés se lient rapidement et des jeux s’organisent tout en déperlant les grenades. Vient l’heure de transformer les arilles, graine des grenades, en un délicieux jus à l’aide d’une machine broyant les grains et séparant le liquide rose des dépôts.

 

Alors que le soleil se couche sur la vallée, l’un des moines nous fait visiter le moulin devenu l’atelier de menuiserie où sont confectionnés des meubles ainsi que diverses parures d’église notamment les iconostases, des cloisons décorées d’images et d’icônes qui, dans les églises orthodoxes, séparent la nef du sanctuaire.

 

Il nous faut alors remonter vers le monastère. Deux solutions s’offrent à nous : la marche ou la voiture, le monastère n’étant accessible que par la voie piétonne. Nous hésitons car remonter à pied nous ferait découvrir cet environnement verdoyant et la beauté des paysages du début de la vallée de Qadisha. Mais pour atteindre le couvent par cette voie c’est un véritable pèlerinage : une marche de deux kilomètres par des escaliers et des petits sentiers escarpés. La fatigue se faisant sentir après cette dure journée de labeur, nous optons pour la solution de facilité : la voiture. Nous entamons donc l’ascension par des petites routes et des pistes défoncées dans un 4×4 plus que rempli de travailleurs exténués. Le nombre de places étant plutôt minime, certains de nos compagnons libanais se retrouvent même sur le toit.

Nous en profitons pour admirer le coucher de soleil sur les montagnes et le monastère blotti dans une cavité rocheuse à l’intérieur d’une haute falaise qui surplombe la vallée sainte de la Qadisha. Nous sommes conduits à nos chambres : les filles dans un grand dortoir et les garçons dans des chambres proches de celles des moines.

 

Une comparse de chambrée me signale qu’il est conseillé de mettre une jupe dans le monastère. Je troque donc mes vêtements de travail pour une jupe m’arrivant à la cheville avant de retrouver mes collègues volontaires sur une grande terrasse en pierre. Nous commençons un jeu de cartes vite interrompu par l’arrivée d’un moine nous annonçant que les jeux de carte sont interdits au monastère. Nous arrêtons donc notre occupation et commençons à discuter de la situation. Les jeunes n’ont aucun espoir pour le Liban. Ils veulent étudier en France ou en Australie et pour la majorité y trouver un travail et s’installer.

 

Sur ces paroles défaitistes, exténués que nous sommes, nous décidons de rejoindre nos lits pour une bonne nuit de sommeil car demain nous attend le Frère Séraphin ainsi que deux de nos amis pour la visite du monastère.

 

La chapelle du couvent, construite au IV° siècle, est recouverte des fresques byzantines, assez bien conservées, datant du Moyen Âge. Elle abrite également une icône miraculeuse qui, autrefois, se trouvait dans une petite église en haut de la montagne. La tradition rapporte que des paysans ont vu, plusieurs fois pendant la nuit, une lumière descendre de l’église jusqu’au monastère. Chaque fois, l’icône miraculeuse était retrouvée dans la chapelle des moines. Ils décidèrent donc de l’y laisser. Désormais les femmes stériles viennent prier devant afin d’avoir des enfants.

Nous montons ensuite vers une chapelle où se trouvent la dépouille d’un saint orthodoxe et de trois martyres dont un bébé. “Les reliques ont une odeur de rose miraculeuse”, nous dit-il en ouvrant un reliquaire afin que nous puissions la sentir. Les os dégagent en effet un parfum doux et fleuri.

 

Notre chemin nous conduit ensuite vers une grotte rocheuse où l’on peut voir la base d’une stalagmite. Là, les femmes stériles païennes viennent prier les faux dieux dans l’espoir de tomber enceintes, car cette grotte était dédiée à la déesse païenne de la fécondité.

 

Juste à côté, dans un atelier ouvert creusé dans la roche, les moines fabriquent des bougies à partir de miel. Nous passons devant le cimetière des moines où seules trois tombes sont apparentes. “Au bout de trois ans, les corps des moines défunts sont déterrés et déplacés dans un caveau.”

 

Nous descendons ensuite pour continuer le travail des grenades et découvrons alors les magnifiques escaliers en pierre se fondant dans les roches de la falaise. La journée défile rapidement au milieu des rires et des chants. Les moines produisent également du fromage et du vin que nous avons la chance de déguster pendant nos temps de pause.

 

Le jour déclinant, nous décidons de remonter à pied. L’ascension se révèle plutôt sportive mais la joie est d’autant plus grande à l’arrivée. Nous passons encore une agréable soirée pendant laquelle nous en apprenons plus sur les moines. Ils ne mangent pas de viande par esprit de pénitence et de pauvreté et ils distribuent en grande partie leur récolte de légumes, leur fromage ainsi que leur jus de grenades à des familles dans le besoin.

Tous les matins à quatre heures, les moines se lèvent pour chanter l’office. Alors, l’un des moines fait s’entrechoquer deux bâtons dans un rythme particulier afin d’annoncer le début de l’office aux moines et aux invités.

 

Malgré l’heure prématurée, les volontaires les plus courageux se lèvent, luttant contre le sommeil pour se recueillir et prier. A l’issue, ils ne se font pas beaucoup prier pour se recoucher quelques heures, afin de reprendre ultérieurement le travail, bien reposés. Mais la matinée passe vite et le retour vers Tripoli est prévu à 11h. Nous échangeons donc les contacts avec nos amis puis nous dégustons des spécialités libanaises cuisinées en l’honneur de notre départ. Nous nous en allons heureux de l’aide que nous avons pu apporter ainsi que toutes les rencontres que nous avons pu faire. Amen.

Aliénor, volontaire au Liban.