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Carmen Apounts, une femme au service de sa famille, de la Francophonie et des réfugiés

Le Salon Beige

Deuxième partie de notre trilogie : Le F de la Femme, de la Foi, et, de la Francophonie

 

De l’envoyé spécial Antoine Bordier

 

En Arménie, à 38 ans, Carmen est responsable du Centre Culturel Francophone de Goris. Elle se passionne pour la culture et la langue française depuis toute petite. En cette journée internationale de la femme, elle donne sa vision de la femme au service de la famille, de la Francophonie et des réfugiés.

Arménie
Type d'intervention

Sur la vieille place de Goris, où une représentation de la Tour Eiffel d’une hauteur de 5 m est exposée en guise de bienvenue, se trouve le Centre Culturel Francophone. A l’intérieur une dizaine d’enfants est venue suivre les cours de langue française, et, développer leur connaissance culturelle et historique. Carmen entourée de son équipe anime l’ensemble. Née à Goris, cette mère de famille de trois enfants est fière de présenter le centre. « Ici, dit-elle, nous sommes dans la capitale de la francophonie en Arménie. Le français est enseigné dans toutes les écoles de la ville et dans la dizaine de villages alentours. » Carmen est toujours restée au pays. Elle est née dans cette ville de 23 000 habitants. Goris est reconnue pour être un petit paradis pour les touristes, qui normalement viennent par milliers chaque été. Mais depuis la pandémie, et, la guerre contre l’Azerbaïdjan, la ville s’est endormie, presque repliée sur elle-même.

 

« La femme est forte en Arménie »

 

Carmen se rappelle avoir hébergé une dizaine de réfugiés dans son appartement familial.

« Ici, à Goris, nous entendions les bombardements, et, nous avons vu les premiers réfugiés arriver. Nous avons hébergé 13 personnes de 3 familles différentes. Cette guerre a été terrible, rapide et a fait des dizaines de milliers de réfugiés qui ont dû quitter leurs terres ancestrales. »

A l’heure où le monde entier fête la journée internationale de la femme, Carmen, qui a vu des femmes seules avec leurs enfants s’interroge.

« Quand j’ai vu ces femmes arriver sans leur mari, de Chuchi et des environs, avec leurs enfants, ma souffrance était à son comble. J’ai vécu les trois guerres contre l’Artsakh, celle de 1992 était victorieuse. Mais la dernière est une véritable défaite pour l’Arménie, avec son lot de familles brisées, de morts, et, de blessés ».

En Arménie, la femme est devenue forte, au crible des épreuves.

« Son rôle est de plus en plus important. C’est elle qui assure la continuité de la vie. D’ailleurs, elle la donne, elle la nourrit. Naturellement, elle est éducatrice. Les épreuves, les injustices et les tragédies n’ont fait que renforcer notre féminité, finalement. En Arménie, la femme est loin des stéréotypes où il faut qu’elle soit autonome parce que c’est idéologique ou à la mode, et, qu’elle s’émancipe de tout, même de leur mari. Ici, la femme est devenue autonome et indépendante à cause des épreuves. Elle n’avait pas le choix. »

La Francophonie, une porte vers la liberté

 

Les femmes sont le pivot de la famille. Le rocher où elle s’abrite. Elles ont un rôle social et politique indéniable. Elles ont un sens du sacrifice hors-du-commun.

« Pendant la guerre, raconte-t-elle, des femmes risquaient leur vie pour apporter de la nourriture aux soldats ».

Ces nouvelles héroïnes de l’ombre la ramènent à ses souvenirs de France. Car, avant de devenir responsable du centre culturel, Carmen y a réalisé son rêve. Goris étant jumelée avec la ville de Vienne, en France, elle part faire un double cursus à Lyon, en 2014. Là, elle y découvre les résistantes de la Seconde Guerre Mondiale. A Lyon, elle a aimé la douceur de vivre, et, a gardé de très bonnes amies.

« Les femmes ont l’air plus libre, là-bas. Mais, elles sont trop autonomes, trop indépendantes. »

Dans son antenne de Goris, qui se trouve au sein d’une école, elle travaille avec la ville de Vienne, suite au jumelage, et, des associations comme l’Oeuvre d’Orient, Solidarité Arménie, Terres et Cultures, SOS Chrétiens d’Orient.

« Tous sont les bienvenues, dit-elle. Nous travaillons pour l’avenir de nos enfants. Une nouvelle génération arrive, celle de nos enfants. Nous travaillons pour eux. »

Avec son équipe, elle développe de nombreux projets : des cours de français, d’informatique, de psychologie, et, une pièce de théâtre. « Nous avons, aussi, des projets écologiques. »

 

« Si tu veux vivre, avance »

 

Carmen parle de sa foi. Elle a beaucoup prié avec d’autres femmes et les enfants pendant cette période difficile. Elle aime redire le dicton : « Si tu veux vivre, avance ». Dans la classe, Carmen présente Mariam, une jeune fille de 15 ans, qui sert de traductrice aux journalistes de passage. Elle veut en faire son métier. Toutes les deux, elles n’ont pas eu peur d’aller au contact des réfugiés. Le cœur sur la main, elles ont accueilli Ruben, et, toute sa famille. En tout, 8 personnes qui ont été chassées par l’armée Azerbaïdjanaise, dans la nuit du 8 au 9 novembre 2020.

« Là-bas, explique Carmen, ils ont tout perdu, ils ont dû abandonner leur maison familiale. Et, sont arrivés à Goris. Ils sont logés dans un deux pièces que leur prête la ville. Et, nous essayons de nous occuper d’eux. »

Il est tard, Mariam est repartie chez elle. Carmen range les deux pièces principales qui lui servent de salles d’atelier, et, de cours. Ses deux petits derniers jouent au ballon. Avant de rentrer à la maison, elle a une pensée pour la France :

« Je remercie la France d’être toujours présente dans ses moments difficiles. Parfois, nous avons l’impression d’être abandonnées. Mais nous ne sommes pas seules. Même si la femme en Arménie est forte, elle a besoin d’aide. Et, la France, nous apporte son aide humanitaire. Le jumelage et le soutien des autres associations à nos côtés, sont très importants. Quand nous sommes désespérées, nous regardons vers la France, et, nous nous remettons debout. »

Article écrit par Antoine Bordier

Votre responsablede pôle

Jeanne der Agopian

Directrice de la communication adjointe