pour les Chrétiens d'Orient
FIGAROVOX / TRIBUNE – La ville de Mhardeh en Syrie est libérée du terrorisme islamique. Le président de SOS Chrétiens d’Orient témoigne de la joie des habitants mais rappelle que le conflit est loin d’être résolu, appelant ainsi à ne pas oublier ces populations déjà si éprouvées.
Charles de Meyer est le président de SOS Chrétiens d’Orient.
Un arbre. Très défraîchi. Les portraits qui y pendent inspirent des sentiments confus. L’émotion d’abord, puisque 160 personnes ont donné leur vie pour maintenir la présence chrétienne à Mhardeh, petite ville aux confins de la ligne de front avec la poche d’Idlib,dernière province insurgée dans le Nord-Ouest syrien. La confusion aussi, devant ces visages enfantins pour les uns, martiaux pour les autres. Mhardeh est une petite Vendée dans l’inextricable conflit syrien, mais une Vendée qui aurait survécu aux colonnes infernales.
Ce n’était pas le silence des processions mortuaires qui accablait les habitants mais celui de l’indifférence internationale.
Le lecteur français peut avoir de la peine à s’imaginer le déluge de feu qui s’est constamment abattu sur ses 20 000 habitants pendant sept années. Chaque semaine ou presque, le vacarme des sirènes et le bruit sourd des explosions rappelaient aux familles le prix du sacrifice qu’elles consentaient en demeurant sur la terre de leurs pères: celui de leur sécurité et, parfois, de la vie.
Ce n’était pas le silence des processions mortuaires qui les accablait pourtant. C’était l’indifférence internationale. Qui se soucia vraiment des chrétiens de Mhardeh? Ils étaient les «hommes en trop» d’un conflit que beaucoup voulurent résumer à un affrontement entre Bachar Al-Assad et d’aimables bâtisseurs d’une nouvelle expérience démocratique. Au bout du compte, les habitants de Mhardeh connurent des voisins attifés de toutes les nuances de l’islamisme. Les uns tenaient pour les versions levantines d’Al-Quaida, d’autres se soumettaient au calife de l’organisation État islamique. Et le monde fermait les yeux, trop soucieux d’un commentaire médiatique simplificateur du conflit syrien.
Ce dimanche, toute la ville rendait grâce. Une messe et une grande procession avaient lieu pour chanter la reconnaissance d’une Cité libérée du joug djihadiste. Nous y sentions une vraie familiarité. Monseigneur Baalbaki, évêque grec-orthodoxe de Hama, remarqua la présence des volontaires de SOS Chrétiens d’Orient. En France aussi, les Te Deum succédaient aux libérations. Il y avait un peu des rejetons de la fille aînée de l’Église pour participer à ce moment historique. Mais nous y sentions aussi des relents de honte devant les fidèles qui ne pouvaient laisser la joie les submerger car ils étaient encore prisonniers du deuil. Personne ne leur rendra ces fils égorgés dans la nuit pendant qu’ils montaient la garde, ou ces filles éventrées par les mortiers qui tombaient au hasard. La guerre charrie d’abord un lot d’horreur auquel notre longue expérience des conflits orientaux ne nous habituera jamais.
SOS chrétiens d’Orient a refusé cette politique de l’ignorance volontaire.
À Sqelbiye, également libérée de l’étau djihadiste, les larmes nous prirent quand quelques enfants allèrent saluer la photographie de leurs amis disparus dans les bombardements islamistes. Savent-ils que des armes continuent à arriver par le corridor turc aux factions islamistes massées à Idlib? Savent-ils que nous commençons à lire par endroits qu’Hayat Tharir Al-Cham «adoucirait» ses positions alors que ce groupe terroriste, qui a absorbé la majeure partie des djihadistes du Front al-Nostra et d’autres groupes djihadistes, a assassiné nombre de leurs petits camarades? Peut-être pas encore… Aujourd’hui ils vénèrent Simon Al Wakil et Nabel Abdallah qui ont conduit la résistance aux islamistes. Espérons que les volontaires de SOS chrétiens d’Orient leur auront permis de croire qu’on ne comptait pas en France que des yeux fermés sur leur terrible sSOS chrétiens d’Orient a refusé cette politique de l’ignorance volontaire. Déterminés, nos volontaires et nos chefs de mission ont multiplié les actions de soutien moral et matériel auprès des chrétiens assiégés. Vêtements et engins pour les chantiers de reconstruction, matériel de premier secours et denrées alimentaires, les bénévoles de notre association défièrent le silence international pour montrer à cette ville martyre que certains, en Europe, ne l’abandonnaient pas. C’était beaucoup, ce fut trop peu. Et notre investissement continuera. Parce que face à des forces en surnombre, les enfants de Mhardeh ont pris les armes pour sauver leur destin. Parce que face à la mort les mères de Mhardeh ont soutenu leurs maris qui refusaient l’exil. Parce que cette petite ville de Syrie qui résista contre une destruction fatale par les islamistes est un phare pour tous les chrétiens d’Orient : leur disparition silencieuse n’est pas une fatalité.