Depuis 2014, SOS Chrétiens d’Orient œuvre au Liban pour venir au secours matériel et moral des populations locales. Une tâche rendue plus dicile encore par la crise politique et économique qui frappe désormais le pays, comme nous l’explique Arthur Lanternier, son chef de mission sur place.
Pourriez-vous dresser un bilan de la mission de SOS Chrétiens d’Orient au Liban ?
Elle a commencé par un enregistrement auprès des autorités, ce qui nous a pris quatre ans de travail. Notre association a ensuite grandi et a perfectionné ses projets, tout en maintenant son identité par deux piliers : la gestion de projets pour l’enracinement des chrétiens au Liban et la présence de volontaires sur tout le territoire. Nous étions d’abord présents à Beyrouth, puis nous sommes allés dans le sud, et enfin dans le nord. Nous avons aujourd’hui une équipe solide et préparée pour accomplir notre travail au quotidien. Nous avons aussi connu deux Liban : le Liban de 2022 ne ressemble malheureusement pas du tout à celui de 2014, avec la crise économique qui a commencé en 2019.
Quelles ont été les principales actions mises en place depuis 2014 ?
Il y a plusieurs volets. Tout d’abord, l’éducation. Depuis 2014, nous avons aidé énormément d’écoles, donné des cours de français en partenariat avec les municipalités locales, et fait du soutien scolaire quand cela était possible. Le Liban est encore relativement francophone, ce qui permet aux bénévoles d’enseigner avec plus de facilité. Les écoles ont été soutenues de plusieurs manières : nous avons financé les salaires des professeurs ou la scolarité des enfants, installé des panneaux solaire, etc.
Le deuxième volet, c’est le développement économique. L’un de nos projets actuels se concentre par exemple sur la production de thym : nous donnons la possibilité à quatre-vingt familles de faire pousser du thym sur leur terre pour le vendre sur le marché local et gagner un peu d’argent. Cela permet aussi de nourrir un certain attachement à la terre et de promouvoir l’enracinement. Il y a également eu des formations professionnelles effectuées par les volontaires et financées par SOS Chrétiens d’Orient.
Nous avons enfin le volet médical avec la participation à la reconstruction de l’hôpital de la quarantaine à Beyrouth, pour laquelle nous avons donné 100 000 € après l’explosion du 4 août 2020. Nous avons également mis en place un dispensaire dans le quartier chrétien de Beyrouth où étaient offerts des médicaments et des consultations médicales. Nous avons aussi lancé quelques opérations médicales, organisé des concerts pour Pâques et Noël, etc.
D’où vient la crise économique et sociale qui touche actuellement le Liban ?
Le pays est en train de payer de très mauvais choix faits il y a une vingtaine d’années dans le secteur bancaire, alors que les hommes politiques aient conscience de leurs conséquences néfastes. Le Liban a toujours été sous l’emprise internationale de l’Iran, mais aussi de la Turquie et de l’Arabie saoudite – et pour les Occidentaux, des Américains et de la France. Malheureusement, ce pays n’a jamais eu la chance d’avoir une indépendance politique et économique. On constate aujourd’hui que le pays est pris dans les mailles du filet d’acteurs internationaux qui le dépassent, et il est vampirisé par une classe politique corrompue qui cherche toujours son intérêt propre ou celui de sa petite communauté, plutôt que celui du peuple tout entier.
Pourquoi Liban se retrouve-il aujourd’hui sans président ?
Je ne pense pas que l’absence d’un président de la République au Liban soit si problématique. Nous autres Français sommes habitués à notre suffrage universel qui n’existe pas au Liban où le système politique est totalement différent. Depuis les accords de Taëf signés à la fin des années quatre-vingt, les pouvoirs du président sont restreints. Ce président est par ailleurs élu par le Parlement, où sévit depuis des années une guéguerre infernale entre les différents partis qui représentent chacun les petites communautés. Les chiites ont un candidat, les sunnites un autre, les chrétiens encore un autre. Au sein même des chrétiens, on est divisé sur cette question. À chaque fois, ils s’arrangent pour que les noms proposés ne soient pas ceux votés. La crise actuelle risque de durer encore longtemps. Toutefois, un nom revient pas mal ces derniers temps : Joseph Aoun, le général des Armées. Le problème est qu’il ne serait pas intéressé par la présidence, quoique la rumeur persiste.
Article écrit par Aymeric Preault