Timkat, la commémoration du baptême de Jésus dans le Jourdain.
Processions, chants, danses, prières et offices rythment les trois jours de festivités organisées à travers toute l’Ethiopie. Addis-Abeba, la capitale du pays, troque alors son grouillement ordinaire pour une effervescence hors du temps.
Vendredi 19 janvier, après quelques heures matinales de répit, la routine est mise au ban environ l’heure de midi. Les échoppes ferment, les chalands désertent, les rues se vident et les églises se remplissent. Les véhicules motorisés deviennent persona non grata dans une bonne partie de la ville et gare aux retardataires pris au piège des axes routiers désormais bloqués à la circulation. Ketera, le jour des préparatifs, commence.
Les fidèles rassemblés dans chaque paroisse escortent la sortie des Tabots, les reproductions miniatures de l’Arche d’Alliance contenant les Tables de la Loi. Véritables saintes répliques, cloîtrées le reste de l’année dans leurs églises respectives, drapées de tissus précieux pour l’occasion, elles sont portées en fin de cortège par les hauts prêtres devant lesquels une douzaine de personnes se relaie pour dérouler les tapis rouges prévenant tout contact avec le sol.
En révérant ces copies, les chrétiens d’Ethiopie honorent l’Arche d’Alliance originelle gardée précieusement, selon la tradition orthodoxe Tewahedo, dans la ville d’Axoum. Dérobée par Menelik Ier, fils du roi Salomon et de la reine de Saba, elle reposerait désormais dans sa propre chapelle, dans l’église Sainte-Marie-de-Sion, protégée par un gardien nommé à vie, confiné à l’intérieur du sanctuaire pour le restant de ses jours et seul mortel capable de contempler l’arche.
Loin de ce mystérieux huis clos, les processions d’Addis-Abeba convergent vers Jan Meda, un immense terrain de 2,38 kilomètres de long au Nord de la municipalité. Au son des begenas, des keberos et des sistres, les instruments traditionnels accompagnant le zema, le chant liturgique éthiopien, les Tabots sont déposés à proximité du bassin aquatique comportant l’eau réservée à la cérémonie du lendemain. Le jour tombe et la foule s’apprête à suivre la liturgie nocturne jusqu’au petit matin.
Samedi, avant la fin de la nuit, les croyants plongent dans une nouvelle cérémonie. Timkat débute par les deux rituels précédant le lever du soleil : le Kidane, la prière du matin, et le Kidasie, la Divine Liturgie. Parés de leurs kutas et netelas, les étoffes de coton emblématiques de l’Ethiopie, les fidèles reçoivent ensuite la bénédiction et l’aspersion d’eau bénite, en commémoration du baptême du Christ et de celui qu’ils ont reçu. Les enfants mandatés à l’arrosage de l’assemblée s’en donnent à cœur joie.
Les ililtas raisonnent ! Les processions se reforment. Parasols, fanions, tentures, croix, vêtements : une kyrielle de matières et de couleurs orne la marée blanche qui afflue de nouveau dans les rue. Les Tabots sont en route pour retrouver leurs églises. Ils y parviendront en début de soirée ou le lendemain matin, et y resteront jusqu’à l’année prochaine.