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Le Nouvel An éthiopien : une étrangeté d’origine chrétienne !

Partout dans le pays, on danse, on chante et on allume des feux de rameaux pour l’occasion. Certains se parent de blanc et jonchent le sol d’herbes, tandis que d’autres vont faire la fête jusqu’au petit matin et tirent des feux d’artifice.

Il est un pays où la date du 11 septembre n’évoque pas une tragédie récente, mais bel et bien un événement heureux de longue date : c’est l’Éthiopie, qui célèbre son Nouvel An selon un vieux calendrier chrétien qui lui est propre.

Terre éminemment chrétienne depuis l’Antiquité, l’Éthiopie évolua au fil des siècles dans un relatif isolement du reste du monde. Rattachée à Alexandrie et au monde copte, le lien resta toutefois ténu et le caractère fortement indépendant des Éthiopiens contribua grandement à faire de l’Éthiopie un pays unique sur de nombreux plans.

Ainsi en est-il de leur calendrier appelé l’Ere de la Grâce, calculée par le moine Annianus… Décalé de sept ans et huit mois par rapport au calendrier occidental contemporain(calendrier grégorien), les Éthiopiens sont en fait restés, à peu de chose près, au vieux calendrier chrétien ! Et oui, en France aussi, le calendrier a changé plusieurs fois au fil des siècles, et, depuis l’introduction de ce calendrier par Victorius d’Aquitaine au Ve siècle jusqu’à Charlemagne, nous partagions le même calendrier que nos frères chrétiens d’Éthiopie.

À l’occasion de ce nouvel an, célébré par les quelques 120 à 130 millions d’Éthiopiens – qu’ils soient orthodoxes, catholiques, musulmans ou protestants – tout le pays s’arrête. Ce n’est pas qu’un folklore, c’est une véritable tradition d’un calendrier vivant !
Si cela peut paraître surprenant au premier abord, il est important de réaliser que les calendriers sont déterminés de manière arbitraire. Les Romains changeaient d’année aux ides de mars, jusqu’à César qui institua le 1er janvier… puis les Mérovingiens remirent le début d’année au mois de mars, avec l’arrivée du printemps. À l’Est, chez les Byzantins, l’année commençait au 1er septembre.

« Ce n’est pas notre fête la plus importante, mais elle unit, car elle n’est pas religieuse, et a une vraie dimension nationale, » explique à notre chef de mission un jeune éthiopien sorti avec des amis pour l’occasion. Dans ce pays divisé entre ethnies et religions, qui cherche toujours comment organiser sa modernisation dans un monde dont il n’est plus autant à l’écart, le Nouvel An éthiopien, Enqoutatash, réunit tous les Éthiopiens.

L’arbitraire de la date vient toutefois s’adosser à une belle histoire. La légende dit que Makéda, la mythique reine de Saba, serait arrivée ce jour à Jérusalem pour retrouver le roi Salomon. Entrant dans la ville sainte avec une suite imposante, « avec des chameaux portant des épices, et beaucoup d’or et de pierres précieuses » (1 Rois 10,2), les deux souverains discutent abondamment, et, impressionnée par la sagesse du roi, la reine lui offrit « cent vingt talents d’or, une très grande quantité d’aromates, et des pierres précieuses. » (1 Rois 10,10) ainsi que des essences rares et inconnues en Judée.

« Le roi fit avec le bois de santal des balustrades pour la maison de l’Éternel et pour la maison du roi, et des harpes et des luths pour les chantres. Il ne vint plus de ce bois de santal, et on n’en a plus vu jusqu’à ce jour.» (1 Rois 10,12). Après quoi Salomon lui offrit également des présents avant son départ en direction de ses terres lointaines d’où allait émerger, quelques siècles plus tard, le royaume d’Aksoum, puis, l’Éthiopie moderne.

La légende dit aussi que les deux souverains bibliques ont eu ensemble un fils, Menelik, fondateur de la dynastie des salomonides. Celui-ci, sur demande de sa mère, dérobera l’Arche d’alliance à Jérusalem pour la rapporter en Éthiopie où elle est toujours gardée aujourd’hui à Aksoum l’ancienne capitale du nord du pays …

À son retour de Jérusalem, la reine de Saba fut accueillie en grandes pompes, ses sujets lui offrant des joyaux. Enqoutatashest ainsi « la fête du don de joyaux ».

Mais c’est également, de manière plus prosaïque, la fin de l’été et de la saison des pluies. Sur les hauts plateaux de l’Éthiopie, l’été est relativement frais et surtout pluvieux. Avec le Nouvel An arrive enfin la saison sèche, les chaleurs remontent et le soleil revient pour de longs mois.