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Depuis le 8 octobre 2023, les tirs entre Israël et le Hezbollah sont monnaie courante dans le sud du Liban. Mais, à partir du 17 septembre 2024, le conflit s’est intensifié. Aujourd’hui, selon les estimations du gouvernement, plus d’un million de Libanais ont fui leurs terres. Alors que les projecteurs sont braqués sur le conflit militaire, l’ampleur de la crise humanitaire est occultée.

Les Libanais sont à bout. Depuis cinq ans, le pays connaît une crise multisectorielle, à la fois économique avec le gel des comptes bancaires et l’effondrement de la monnaie locale, mais aussi politique avec l’absence d’un président de la République. La situation s’est aggravée avec l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, la crise du Covid et, depuis un an, le conflit avec Israël, qui plonge encore davantage le pays du Cèdre dans un gouffre.

L’angoisse et la peur font partie du quotidien des Libanais qui se sentent délaissés par la communauté internationale et « choqués » par son silence, témoigne Rony Jalak, un Libanais originaire du sud du pays. « Nous avons le sentiment que tous les regards sont fixés sur la guerre armée entre le Hezbollah et Israël, mais que la crise humanitaire et le déplacement des populations sont complètement mis de côté, regrette Vincent Gélot, responsable des projets de l’œuvre d’Orient au Liban. La crise humanitaire n’est absolument pas traitée à la hauteur de ce qu’elle devrait être ». Le Liban subit les effets de la multiplication des crises que ce soit en Ukraine, en Arménie ou à Gaza. Les institutions caritatives constatent une « fatigue des donateurs » et « une baisse d’attention de la communauté internationale ».

Plus d’un million de personnes ont dû fuir leur domicile

Pourtant, la situation est dramatique. Avant les bombardements de septembre 2024, 300 000 enfants étaient déjà déscolarisés, un Libanais sur deux n’arrivait plus à se fournir en médicaments et 33% de la population vivait sous le seuil de pauvreté. Alors que 100 000 Libanais avaient été déplacés avant l’explosion des bipeurs le 17 septembre, aujourd’hui, ils seraient 1,2 million d’habitants sur les six que compte le pays, selon les chiffres du gouvernement. Pourtant, seulement 185 400 personnes déplacées sont officiellement recensées dans les 1000 centres d’accueil répertoriés.

Preuve du chaos qui règne dans le pays. Certains ont trouvé refuge chez des proches et d’autres ont fui vers la Syrie. La Direction de la sûreté générale a enregistré le passage de 311 034 citoyens syriens et de 108 762 citoyens libanais en direction de Damas. Le ministre de la santé libanais estime à 2141 le nombre de morts depuis octobre 2023 et 10 099 le
nombre de blessés.

Les chrétiens victimes collatérales de ce conflit

Alors qu’ils n’ont pas voulu cette guerre, les chrétiens libanais, qui représentent 30% de la population, sont également victimes de ce conflit qui affecte tout le pays, et pas seulement les chiites du Hezbollah. Dans le sud, des frappes israéliennes ont provoqué la mort de nombreux civils comme Samih, sa femme Hala et leur fils Fadi habitant dans le village chrétien de Debel. A Kfour, c’est l’église du village qui a été touchée par les bombardements. Dans la région frontalière avec Israël, plusieurs villages chrétiens ont été évacués ou bombardés. Certains ont même été rasés. De nombreuses familles fuient vers des destinations inconnues. Pour les accueillir, des écoles chrétiennes, des églises et des monastères ont ouvert leurs portes à travers tout le Liban.

« Les parents arrivent avec leurs enfants, en larmes, parce qu’ils ont dû partir sous les bombardements sans savoir s’ils pourront un jour revenir chez eux », raconte le responsable de l’œuvre d’Orient. « En 2014, j’étais en Irak au moment du déplacement des populations chrétiennes de la plaine de Ninive. En voyant les Libanais arriver dans les centres, j’ai eu le sentiment de revoir les Irakiens qui arrivaient en 2014 et qui ne savaient pas quand ils allaient rentrer », témoigne-t-il.

Démunis et déracinés, ces Libanais sont pris en charge par le secteur associatif, les institutions religieuses, les sociétés de bienfaisance, avec l’aide des organisations internationales et de la diaspora, qui portent, seuls, le poids de cette crise humanitaire sans précédent. Pour soutenir ceux qui ont refusé de quitter la terre de leurs ancêtres, dans le sud du pays, l’organisation SOS Chrétiens d’Orient s’apprête à ouvrir une clinique mobile « pour offrir des soins à environ 6 000 déplacés dans 20 centres ». Objectif : fournir des soins de base avec un pédiatre et une assistante sociale.

Dans cette zone, les conditions de vie sont très dures. La connexion téléphonique fonctionne mal. Les chrétiens se sentent isolés et très seuls. A Kawkaba, un village du Sud-Liban, la principale route qui reliait le village à la région du sud a été coupée par des bombardements. « La situation sociale de notre village est gelée », témoigne auprès de SOS Chrétiens d’Orient, le Dr Elie Nakhoul, président de la municipalité de Kawkaba. Les habitants ont peur. Les écoles sont fermées. Les agriculteurs ne peuvent plus accéder à leurs vergers alors que la saison de l’olivaison approche.
« Si la situation ne s’apaise pas, les habitants vont perdre leurs récoltes, indispensables pour leur survie tout au long de l’année voir pour deux ans, s’inquiète-t-il. La situation est très difficile, mais nous essayons de perdurer notre résistance dans le village ».

Les chrétiens divisés sur le Hezbollah

« Nous vivons le même sort que les Palestiniens », regrette Rony Jalak qui attend l’intervention de l’Irak et de la Syrie. Les positions vis-à-vis de ce conflit et du Hezbollah sont controversées. « En tant que chrétien, je peux vous dire que si le Hezbollah n’avait pas été présent lorsque Daech était en Syrie, il n’y aurait plus de chrétiens au Liban, explique Rony Jalak. Le Hezbollah a gardé et protégé les villages chrétiens qui étaient sur la frontière syrienne ». Ayant côtoyé des membres de cette milice, Rony Jalak perçoit le Hezbollah comme un parti résistant dont les membres sont des personnes respectueuses avec de profondes valeurs. « Ce sont des familles, des professeurs d’écoles, des professeurs d’université qui se sont organisés pour protéger leurs villages sans cesse bombardés et
envahis », estime-t-il.

Cet avis n’est pas partagé par tous. Pour le Père Elia, prêtre libanais, « le Hezbollah est comme un dictateur qui veut que tout le monde se soumette à lui et qui se comporte comme si le Liban était un État iranien ». « L’armée libanaise devrait désarmer le Hezbollah mais, si elle le fait, cela pourrait engendrer une guerre civile », poursuit-il. Une épreuve de plus pour un pays déjà à terre.

Liban
Type d'intervention

Votre responsablede pôle

Domitille Casarotto

Attachée de presse