En 40 minutes, tous les sacs sont constitués. L’équipe n’a pas le temps de souffler que les tricycles se positionnent déjà devant les portes. Une nouvelle chaîne s’organise. Il faut déplacer l’intégralité des sacs dans les bennes. « Un, deux, trois, quatre, …. Soixante, soixante-et-un » Georges compte méticuleusement chaque sac avant de les déposer de façon ordonnée. Une fois le premier tricycle rempli, nous nous attaquons au remplissage du second, en prêtant attention de conserver un peu d’espace vide pour nous permettre de grimper dans le fourgon. Deir Rifa n’est pas bien grand mais les allers-retours à pieds accélèreraient de façon précoce l’apparition des premiers signaux de fatigue et rendraient notre action moins efficace. Il est 17h27, la mission principale de notre journée commence : distribuer les 280 colis aux familles les plus démunies.
Dans notre groupe de six, nous sommes accompagnés par un responsable de l’Eglise, en charge de veiller à ce que chaque sac soit distribué à la bonne famille. Muni d’une feuille de papier crayonnée, il coche inlassablement chaque nom et prénom une fois le colis transmis, haussant la voix pour se faire respecter et gesticulant de toutes parts pour se faire comprendre.
Des sourires nous accueillent à chaque coin de rue. A mesure que nous pénétrons plus avant dans le village, les rues se font moins désertes et plus animées. Sur une petite place, l’on peut voir des vieillards à la barbe minimaliste, accroupis contre le mur, un père édenté portant dans ses bras sa petite fille pieds nus alors qu’un jeune garçon enfourche un âne, une charrette pleine de pastèques autour de laquelle s’attroupe quelques femmes à la recherche d’un fruit frais pour rassasier les appétits les plus voraces ou encore une vieille femme unijambiste s’aidant de ses béquilles pour avancer maladroitement sur les chemins caillouteux du village.
A chacun de nos passages par monts et par vaux, une tripotée d’enfants accourent derrière le tricycle, certains empoignant le rebord pour grimper à notre côté, d’autres nous saluant de la main et nous demandant nos prénoms. A l’entrée des maisons, des femmes papotent entre elles.
Nous voyant arriver, elles laissent leur activité de femme d’intérieur : vaisselle, linge, babysitting, pour récupérer le précieux sac.
Nous pénétrons chez une femme âgée. Son sourire chaleureux fait oublier la pauvreté dans laquelle elle vit. Dans la petite pièce aux murs entièrement vierges, une table et une banquette. Sur l’un des quatre murs de la maison, une carte de 10 cm de haut, représentant la sainte Vierge Marie.
Chez une autre, en pénétrant sur le seuil de sa porte, l’on devine la dureté de ses conditions de vie. Une paillasse en guise de lit, une chaise et une table. Rien d’autre. Dans un coin de la pièce, deux petits pigeons ramassent quelques miettes.