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Actualités des missions – Février 2025

ARMÉNIE

Entre plumes, becs, mufles, cornes et sabots, deux jours de travail à la ferme d’Armen à Vardenis.

« Au creux de sa vallée, dans son écrin de montagnes enneigées, Vardenis baigne dans la lumière d’un soleil blanc d’hiver. Les températures négatives se ressentent peu sous ces chauds rayons, lorsque nous entrons dans l’étable, accompagnés par Arkady, notre interprète.

Un à un, le dos floqué du cœur rouge de l’association, nous pénétrons dans la tiède pénombre du bâtiment et là, sans crier gare, sous l’impulsion d’un chef d’orchestre invisible, meuglements et gloussements entonnent, les caquètements suivent, les grognements font les basses. Par les lucarnes, les rayons du soleil percent la nuit et se révèlent dans la poussière flottante en une nimbée laiteuse. Ici tout le monde semble avoir sa part de paille et de nourriture. Les poules inspectent, les dindons rient, les canards dodelinent, les cochons grognent et les vaches ruminent. Au plafond, les pigeons nous surveillent du coin de l’œil, dans une indifférence mêlée de méfiance. Un lapin, tout yeux tout oreille, nous avise, apathique. C’est là le lieu de notre mission qui consiste aujourd’hui à récurer les mangeoires afin d’y apporter un fourrage frais.

La ferme appartient à Armen et son fils, Karo. Dans leur maison, trois générations se côtoient. Ils connaissent toutes leurs bêtes. Ils savent leur caractère, leur appétit et leur santé. Durant nos deux jours chez eux, ils nous invitent à manger. Avec de grosses mains calleuses, ils mangent sans couteau la viande préparée par la grand-mère, trempent le lavash dans la sauce en nous souriant des yeux. Leur accueil est accompagné d’une générosité sans borne, transformant chaque repas en chapitre rabelaisien. Le tout est arrosé d’une vodka à 70°, qui manque de couper la voix à l’un d’entre nous, récemment arrivé. Le dialogue, s’il est compliqué, n’est pas impossible. Avec les quelques rudiments d’Arménien que nous possédons, grâce à nos téléphones et surtout par les gestes, chacun arrive à faire passer une idée et chacun se comprend dans une ambiance chaleureuse et riante.

De retour au travail, l’une de nous découvre à ses frais le caractère passionné d’un dindon pour sa belle dont elle était passée trop près. Le lapin nous ignore toujours aussi ostensiblement, et les canards marchent au pas, d’un bout à l’autre du bâtiment. Nous achevons de vider nos brouettes et de racler le sol quand le troupeau, qui était parti paître, revient, avec force meuglements et bruits de sabots. Poussés par la voix du vacher, les paisibles ruminants prennent place et déjà avalent le foin nouveau. La journée s’achève dans un paysage terre de sienne, allant chercher un veau et sa mère qui vient de mettre bas. Le lendemain, nous revenons pour changer la paille des brebis.

Ces journées au rythme des animaux, bercés par leurs cris, enveloppés dans leur chaleur, le nez plein de leur senteur, nous renvoient aux mêmes nobles travaux que faisaient nos ancêtres. Nous les retrouvons un peu dans ces longues heures, les outils à la main et le silence dans l’âme, poussé à la contemplation par la simple véracité de notre action. Chrétiens, nous prenons soin de la terre que Dieu nous a donnée, et nous aidons notre prochain. Le soleil se couche et nous dormons bien. »
LIBAN

Les volontaires animent des activités pour les pensionnaires de l'hôpital psychiatrique Deir El Salib de Beyrouth.

« Electrisés d’énergie par l’attente de ce moment, nous pénétrons dans des locaux dépouillés : des bancs, une télévision, des barreaux aux fenêtres, des murs blancs. Pas d’étagères, de bibliothèques, de tables ou de décoration pour des raisons de sécurité. La crise du pays affecte grandement les conditions d’hygiène des structures médicales, plus particulièrement les établissements spécialisés comme celui-ci.
 
Des sourires, des gestes brusques et des cris joyeux nous accueillent ! La vie en groupe et le travail des soignants ne suffit pas à tromper l’ennui, à en juger par l’accueil extatique que l’on nous fait.
 
Nous mettons la musique, des airs de variété française ou libanaise. Shadi nous impressionne par sa prestation. Sa force ferait rougir de jalousie un gymnaste amateur. Il réalise une pompe parallèle au sol qu’il élance comme un break dance revisité, puis, réattéri sur ses pieds et quitte la piste de danse en moonwalk. Sa prestation exaltante encourage Amar ! Très espiègle, il affiche un grand sourire, prend les mains et tapote sur les épaules de chacun, lançant des sarabandes et des rondes.
 
Epuisés et haletants, les danseurs cessent. Même si les patients semblent plus résilients que nous, nous passons à une autre activité : le dessin. C’est Balthazar qui en est le fournisseur, quand il commence à dessiner des animaux humanoïdes qu’il distribue aux patients. Eux, avec une application touchante, colorient ces créatures et ajoutent leurs propres touches : des yeux gigantesques, des bouches démesurées, des nez improbables. Nous les encourageons, leur sourions, observons leur âme mise sur le papier. Les couleurs, les traits, les détails révèlent un monde intérieur riche, qui m’évoque la profondeur des toiles de Richard Dadd, un peintre schizophrène de l’ère Victorienne, qui surchargeait aussi ses œuvres de 1000 détails.
 
Le temps passe vite, comme toujours quand on vit l’instant avec eux. Les rires, les éclats de voix, les petites conversations nous font ne pas le voir. Avant de partir, de derniers enlacements illuminent nos âmes jusqu’au revoir. Nous nous séparons en leur rappelant de ne pas être triste, car nous revenons la semaine prochaine. »
IRAK

Travaux d’aménagement du terrain extérieur d’un établissement d’Alqosh

Contraint à l’exil par Daech, Oveel a choisi de revenir dans son village natal d’Alqosh pour y reconstruire sa vie. Avec l’aide des volontaires, son café reprend vie.
 
En 2014, face à la montée de l’organisation Etat islamique, Oveel, un chrétien originaire d’Alqosh, est contraint de se réfugier en Allemagne. Mais s’intégrer dans un pays étranger, avec une langue, une culture et des traditions différentes, n’est jamais une tâche aisée. À cette époque, l’afflux massif d’immigrés turcs, kurdes, syriens et irakiens rendait encore plus difficile l’accès à un emploi stable et correctement rémunéré.
 
Face à ces difficultés, Oveel fait le choix, une fois la fin des combats, de revenir dans son village natal. Il rachète alors cet établissement, avec l’ambition d’en faire un lieu de retrouvailles pour les habitants d’Alqosh : un espace où l’on vient boire un verre, partager un repas, jouer aux cartes ou regarder un match entre amis. Pour l’aider à concrétiser son projet, SOS Chrétiens d’Orient l’accompagne dans l’aménagement des espaces extérieurs et la création d’une terrasse accueillante.
 
« Dès l’aube, pelles et râteaux en main, nous nous attelons à la tâche : il s’agit de planter du gazon sur les deux terrasses encore couvertes de terre. Plus de 300 m² de rouleaux de gazon naturel nous attendent. Jean-Baptiste, Clément, Amaury et Clotilde se chargent de transporter, dérouler et ajuster chaque bande d’herbe fraîche. Un travail physique, mais ô combien satisfaisant lorsque les rouleaux s’emboîtent parfaitement !
 
En parallèle, nous arrosons abondamment le sol pour permettre au gazon de bien adhérer à la terre fraîchement préparée. Mais qui dit travail avec des Irakiens dit… pause-café ! Et pas seulement : eau fraîche, pain au kiri et yaourt maison sont au rendez-vous. Comme toujours, je suis touchée par la générosité et la chaleur de nos hôtes, et ces moments de partage, aussi simples soient-ils, restent inoubliables.
 
Après cette pause bien méritée, nous reprenons le travail avec une énergie renouvelée. Une fois les deux terrasses entièrement recouvertes, nous procédons au nettoyage du carrelage, couvert de terre après cette matinée laborieuse. Un dernier coup de raclette, un regard satisfait sur le travail accompli, et nous repartons, le cœur léger, heureux d’avoir apporté notre pierre à l’édifice.
 
En quelques heures seulement, nous avons contribué, à notre échelle, à redonner vie à ce lieu et à offrir à Oveel et sa famille les moyens de vivre dignement de leur travail, chez eux, en Irak. »
EGYPTE

Les volontaires organisent une sortie avec les veuves d’Ezbet-El-Nakhl au Caire.

« Ce samedi s’annonce trépidant et intense. Après avoir enchaîné deux garderies nous filons au centre Salam grâce aux fidèles tuk tuk qui peuvent se faufiler dans les ruelles étroites du bidonville, là où les voitures, elles, n’ont pas leur place.

Nous retrouvons les veuves qui nous attendent fermement, certaines ont des sourires espiègles, tandis que d’autres sont simplement excitées de nous retrouver.

En Egypte, la mort du mari entraîne souvent une perte de statut social pour les veuves. Considérées comme vulnérables et parfois marginalisées, elles sont souvent perçues comme un fardeau, surtout si elles n’ont pas d’enfants ou de soutien familial. La solitude et l’isolement sont fréquents, exacerbés par des normes sociales qui les écartent de la vie publique et des cercles familiaux étendus. Souvent, elles font face à des pressions pour ne pas se remarier, par crainte de briser l’image de fidélité au défunt. En l’absence de ressources financières ou d’héritage suffisant, leur survie dépend souvent de la charité de l’Église et de la communauté.

La sortie au parc que nous leur avons préparée est donc une occasion pour elles de se retrouver et de s’amuser dans un cadre différent de leur quotidien morose.

Nous prenons la direction du parc situé dans le fameux quartier d’Hélipolis, à quarante minutes de là où nous nous trouvons. Le soleil scintille au travers des vitres poussiéreuses du bus. Entre les routes cabossées du Caire qui donnent lieu à de nombreuses secousses en nous procurant parfois quelques frayeurs, nous avalons de délicieux sandwichs préparés le matin même.

En essayant de trouver un coin du parc avec assez de bancs et d’ombre, les traducteurs nous rejoignent afin de nous prêter main forte dans cet après-midi qui s’annonce joyeux et rythmé. Nous lançons la musique et commençons un vrai moment de partage. La danse nous rassemble, au son de musiques arabes, certaines nous apprennent des mouvements de leur enfance, d’autres tapent dans leurs mains en cadence pour exprimer leur enthousiasme.

En gonflant des ballons pour la prochaine activité, nous nous amusons à voir le sourire qui trône sur leurs visages. Chacune vient chercher son dû et l’accroche à son pied afin de pouvoir écraser celui des autres. Un tourbillon de personnes qui courent, de ballons qui éclatent et d’éclat de rire s’élance.

Le temps de se dire au revoir approche, car nous ne pouvons rester éternellement, mais quelle grâce de voir ces visages émus, souriant et joyeux. Quelques-unes lancent des prières afin de nous remercier, ce qui nous touche en plein cœur. « 

SYRIE

Idlib : entre ruines et espoir, la reconstruction des écoles au cœur des préoccupations !

Dans la région syrienne d’Idlib, les édifices publics portent les traces laissées par treize années de guerre. La visite de terrain menée par une équipe d’associations internationales en janvier 2025 met, entre autre, en lumière la dure réalité des écoles de cette région autrefois prospère.

Avec une population actuelle réduite à 2 000 habitants contre 40 000 avant la guerre, Khan Chekhoun témoigne de l’exode massif provoqué par les combats. Trois écoles principales, Ahmad Taan, Ahmad Yousef et Farouk Al-Kanj, sont fermées depuis 2015. L’une d’elles a été lourdement endommagée par un bombardement aérien après la libération d’Alep. L’école Hetin, autrefois un quartier général militaire, reste inutilisable malgré ses 28 classes.

Habbit, autrefois un village de 3 000 habitants, n’abrite aujourd’hui que trois familles. Les puits qui fournissaient de l’eau à plus de 15 000 personnes sont inutilisables, leurs pompes ayant été volées. Les deux écoles du village restent fermées.

À Maaret Tehermeh, le contraste est saisissant. Ce village, qui a vu sa population tripler à cause des déplacements internes pendant la guerre, ne compte plus que 50 familles aujourd’hui. Parmi ses six écoles hors service, deux se distinguent : l’école moderne pour filles et l’école rurale. Avec une capacité totale de 1 000 élèves, leur réhabilitation représente une priorité pour redonner espoir aux habitants.

Bien que le système éducatif ait été réorganisé et que les baccalauréats d’Idlib soient désormais reconnus dans plusieurs pays européens ainsi qu’au Qatar, les infrastructures demeurent un enjeu majeur. Deux écoles, l’une destinée aux filles et l’autre aux garçons, illustrent cette dualité : des installations modernes mais fragilisées par des frappes aériennes.

Les récits recueillis lors de cette visite reflètent la lutte quotidienne des habitants pour restaurer un semblant de normalité. Les défis sont immenses, mais les initiatives locales et internationales apportent une lueur d’espoir pour ces enfants qui aspirent à retrouver leur place sur les bancs d’école.

Les priorités sont claires : réhabiliter les écoles, rétablir les infrastructures de base et offrir aux enfants un cadre sûr pour apprendre. Ce combat pour l’éducation est une bataille pour l’avenir de toute une génération.