« En nous rendons à Matareya, nous croisons des ânes tirant des calèches, des familles sur le trottoir vendant des mouchoirs ou des pare soleil, tentant de subvenir à leurs besoins. Certaines semaines il y a le marché et il est difficile de passer entre les stands et les vendeurs ambulants.
Mais pour nous, volontaires, Matareya évoque tout autre chose. Matareya c’est un mot rempli d’espérance, de bienveillance et de joie, car chaque semaine, nous y visitons les dames âgées dans une maison tenue par des religieuses.
J’attends ce moment avec impatience dès que je quitte le quartier. C’est une parenthèse dans le temps, une joie indicible que je ressens à chaque fois que je me retrouve dans cette maison de retraite. Je revois dans le sourire de ces dames le sourire de mon arrière-grand-mère quand nous allions la visiter. Je vois dans leurs yeux les épreuves de la vie. Dans leurs gestes, la douceur d’une grand-mère. Dans leurs silences, le désir de capturer ces instants qu’elles passent avec nous. Je les aime chacune à leur manière. Le lien que j’ai tissé avec ces dames est extra-ordinaire. Nous ne parlons pas la même langue, les règles des jeux que nous proposons sont souvent adaptées, mais il règne dans la pièce une bonne humeur contagieuse et une tendresse infinie.
Quand nous entrons dans le couvent, il y a toujours du bruit : ici un homme fait des travaux de plomberie, là un autre peint, une femme dans un coin balaye la cour, les chats se coursent et les oiseaux chantent. C’est un lieu si agréable. La première chose que l’on voit est le visage radieux de Sœur Canaa. Ensuite, car elle y met un point d’honneur, c’est la plante grimpante autrefois morte qui renaît aujourd’hui naturellement, grimpant le long de la façade de façon majestueuse et qui fait la fierté de sa propriétaire. Puis, après avoir monté deux étages, les doux sourires de nos amies.
Ce jeudi, j’ai proposé plusieurs jeux : un memory afin d’exercer leur mémoire, un domino, afin de travailler la mobilité des doigts, et une bataille, jeux que je sais apprécié de toutes.
Elles sont quatre à jouer aujourd’hui, sur six résidentes. Elles sont rarement plus nombreuses, mais le goûter que nous apportons toujours, permets ensuite de prendre du temps avec chacune. Que j’aime ces moments d’échanges ! Nos rires emplissent la pièce quand l’une ou l’autre fait une blague ou quand Namett, après avoir remporté une manche, lance un youlou. Soeur Canaa, la responsable, assiste volontiers à ces parties de jeux, couvant d’un regard maternel et bienveillant chaque résidente. Jeudi dernier, elle a discuté avec Emilia et, touchée par ses mots, a pris son visage entre ses mains et lui a embrassé le front, répétant en boucle « Shoukran » (merci en arabe).
Il fut plus dur encore de les quitter cette semaine, car l’une de nous savait qu’elle ne reviendrait pas avant son départ. Alors nous avons pris des souvenirs, nous avons immortalisé les sourires, les traits de chacune avec des photos de groupes.
Oh, comme elles ont joué quand nous leur avons demandé de les prendre en photo ! Minaudant qu’elles n’étaient pas assez jolies, qu’elles n’étaient pas bien coiffées, mais si elles se voyaient telles que nous les voyons !
Elles sont, sans exagérer, radieuses. Il n’y a qu’à contempler les portraits pour s’en rendre compte…
J’ai quand même pu prendre des photos et réussi à leur arracher un vrai sourire en leur montrant ensuite. Elles sont chacune magnifiques !
Et pour bien clore ce voyage, je leur offrirai à chacune, de la part de Lucie, sa photo imprimée afin qu’elles gardent un souvenir d’elle et se rappellent chaque jour, en regardant l’image, de sourire à la vie. »