Le 22 décembre 2016, Alep est libérée. Les familles, épuisées mais soulagées, célèbrent ce jour où, enfin, les balles ne siffleront plus à leurs oreilles lorsqu’elles iront chercher du pain. Ce soir, elles dormiront sans la peur au ventre, rassurées de pouvoir encore embrasser l’aube.
Seulement huit ans plus tard, le 29 novembre 2024 : Alep est envahie par les jihadistes.
Tout s’est fait en un éclair ! Comme la foudre, les combattants jihadistes de Hay’at Tahrir al-Sham, nouveau nom de la branche syrienne d’Al-Qaïda, ont frappé Alep, avec une rapidité déconcertante. Face à eux, personne ou presque ! L’Armée arabe syrienne semble se désintégrer. Comme à Mossoul, il n’existe plus de pare-feu entre les jihadistes et les familles syriennes.
Un quartier, puis deux, puis trois… L’avancée est fulgurante. Dans certains quartiers chrétiens, la vie semble étrangement normale… On fête des anniversaires sans se soucier des combattants qui affluent en masse aux abords d’Alep. Et pour cause, aucun bruit ne résonne dans Alep… C’est un jour comme les autres… pas de bombardements, pas de tirs… Sont-ils insouciants ou réalistes ? Depuis Boulogne, sommes-nous alarmistes ou lucides ?
Pourtant, ailleurs, c’est déjà le chaos… les familles fuient à pieds ou en voiture. Selon la chaîne al-Mayadeen, ils seraient 1 million à avoir fui. Mais beaucoup n’ont aucun moyen de partir et où pourraient-ils se réfugier ?
Les réseaux sociaux s’agitent, les nouvelles tombent heures par heures. Des rumeurs affirment que la route M5 reliant Alep à Damas serait conquise, qu’ils seraient 20 000 combattants, qu’ils se seraient emparés de la Citadelle d’Alep, qu’ils menaceraient les chrétiens ! Mais dans ce brouillard informationnel … où se trouve la vérité ?
Dans notre équipe la tension monte. Beaucoup ne veulent pas partir, ils ne quitteront pas Alep !
Incompréhension, tristesse … mais pourquoi ? Si Alep tombe, les jihadistes feront régner le régime de la charia comme à Raqqa. Si Alep tombe, les minorités sont menacées. Sont ils courageux, sont-ils fous ? Une fois aux mains des terroristes, ils ne pourront plus partir. Mais est-il déjà trop tard ? Peut être … Il n’y a plus de bus, plus de taxi, plus d’avion. L’étau se referme.
Et ce soir du 29 novembre la nouvelle tombe : les jihadistes et factions rebelles du nord de la Syrie ont pris la « majeure partie » d’Alep, deuxième ville du pays. Ce n’était plus une surprise, c’était prévisible depuis quelques heures. Mais cela ne rend la tristesse que plus profonde.
Nous avons marché dans ces rues, nous avons côtoyé ces Aleppins, prié et pleuré avec eux, célébré Noël et Pâques ensemble. Aujourd’hui, que dire, que penser ? Nous ne pouvons que prier et espérer que nos amis, nos familles, les familles syriennes ne revivront pas ces années de terreur, de mort, de peur.
Et alors que résonne notre cri silencieux, les médias se taisent. Où est-il le tapage médiatique réservé aux autres ? Qui défendra ces pères de famille, ces enfants, ces personnes âgées ? Qui ne les oubliera pas et les défendra ? Qui dira la vérité ?
Que notre silence ne résonne pas pour l’éternité !
A tous nos amis d’Alep, vous n’êtes pas seuls, nous serons toujours à vos côtés et nous prions pour vous. Que Dieu protège et sauve Alep.
Alep ton coeur bat encore, sois forte et prends courage !