Les équipes de la mission d’urgence de SOS Chrétiens d’Orient apportent des produits hygiéniques et équipements de restauration aux familles chrétiennes déplacées du Sud Liban dans les locaux du patriarcat grec melkite catholique de Rabweh, près de Beyrouth.
Les adultes sont ensemble, assis sur un long banc creusé dans la roche. Les enfants aussi sont entre eux, les garçons jouent à la balle et les filles discutent.
Le père Sassine Grégoire nous accueille, il est souriant et dynamique, nous souhaitant la bienvenue. Il est le conseiller religieux du groupe « Mission de la jeunesse Melkite dans le monde ».
Assez rapidement, il mobilise les personnes qui gisent dans la cour, les enfants spontanément tendent leur bras. Les coffres de nos véhicules s’ouvrent et dans un tohu-bohu, au-dessus des têtes qui composent la foule, défilent des packs de savons, paquets de couches pour enfants, des cartons emplis de produits d’hygiène. Un homme fort se charge des bonbonnes de gaz qu’il transporte sur ses épaules solides.
Les enfants, quant à eux, prennent cela comme une course, et celui qui transportera le plus de colis gagnera un trésor invisible. Les allers-retours sont nombreux heureusement, chacun à sa chance.
Les voir enjoués et rieurs paraît décalé, inapproprié au vu de leur situation. Et pourtant, que le Bon Dieu protège toujours leur innocence si précieuse qui permet d’apporter une touche de relativisme. Au moins, ils sont en vie et en sureté ici.
L’un d’entre eux affirme que sa maison a explosé il y a quelques jours à Debel. Si sa famille nucléaire avait déjà fui à ce moment-là, ce ne fut pas le cas de ses deux grands-parents maternels et de son oncle. Cruel malheur, quelques heures en trop ont suffi à leur coûter la vie.
Leur mère est ici, et dans un courage inouï elle accepte dignement de me partager quelques mots.
« Depuis un an nous sommes restés cloitrés dans la maison du village, car les tensions dans la région ne datent pas d’hier. C’était dur mais un peu près paisible. Les bombes tombaient principalement autour de notre village, Debel. Mais, à partir du 17 septembre, il y a exactement deux semaines, notre village s’est subitement trouvé dans un grand danger… Un grand danger ! Nous avons décidé de fuir, mais… *elle éclate en sanglot*… mais le lendemain matin, l’explosion a tué mes parents, mon père, 60 ans, ma mère, 61ans, et mon frère, 33 ans… Ils avaient décidé de venir ici dans ce centre d’accueil le jour après nous, et le lendemain, ils ont quitté… ce monde. Les bergers sont les seuls à être resté à ce moment-là, ils ont pu enterrer ma famille, puis ont fui à leur tour immédiatement, abandonnant leurs terres et leurs bêtes en plus de leur maison, comme nous tous. »
Je suis totalement impuissante face à ses mots et à ses maux. Je lutte pour ne pas pleurer aussi, je ne peux que l’écouter, compatir, l’assurer de mes prières absolument ferventes.
Sa fille vient se blottir dans ses bras, la vision de sa maman en pleurs doit lui paraitre bien difficile.
Elle poursuit : « Ici nous sommes reposés, il y a tout ce dont l’homme a besoin pour vivre, un toit, de la nourriture, mais… pas la paix. Il n’y a pas de paix dans notre cœur. J’ai 5 enfants, j’ai du mal à m’occuper d’eux, je suis perdue. J’ai passé ma vie à endurer les problèmes dans cette région. » Ce région ou cette région ? me demande-t-elle en français, ses yeux déjà secs.
Je suis bouleversée, combien l’accord en genre est peu important à mes yeux pour la comprendre, et pourtant elle veut s’exprimer dans un français parfait, hérité du protectorat français jadis sur le pays.
Pour terminer, je lui demande d’où elle puise cette force, cet espoir toujours présent, perceptible malgré tout. « Dieu ! Seulement Dieu. Seulement Dieu. Seulement Dieu. » Ses mots sortent de son cœur par trois fois.
« L’Homme qui est loin de ces problèmes ne peut pas trouver de solution ! Nous sommes seuls, les Français ne voient pas. En tant que chrétienne, je voudrais émigrer vers l’Europe, vers les pays qui nous ressemblent, vers les chrétiens, mais ce n’est pas possible. Tous les jours je demande à Dieu pourquoi sommes-nous obligés d’affronter tous ces problèmes, pourquoi… ? »
L’entretien s’arrête là, je lui tends mes mains en guise de geste réparateur, tout à fait insignifiant peut-être, mais c’est tout ce que je suis en mesure de répondre, bien que je réitère mes prières et lui partage mon admiration pour sa dévotion et sa force. « J’essaye… j’essaye. » sont ses derniers mots.
SOS Chrétiens d’Orient ne peut reconstruire des vies, ni apporter la paix, mais peut rebâtir des maisons, donner généreusement des biens de première nécessité et assurer les chrétiens d’Orient des prières des chrétiens d’Occident, vous qui lisez ces mots.
Avec 1910€, vous donnez 3 bonbonnes de gaz, 3 machines à petits pains, 35 paquets de couche pour enfants, 237 paquets de serviettes et papiers hygiénique, 10 paquets de savon liquide, 120 serviettes en tissu et 150 assiettes à 150 déplacées chrétiens du Sud Liban.