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Chrétiens d’Orient : Une situation de plus en plus dangereuse au fil des années

20 minutes

Rany et Valentine racontent à «20 Minutes» ce que cela signifie d’être chrétien en Irak…

 

« Le 8 août vers 22h, mon frère m’a appelé pour me dire que les djihadistes de Daesh arrivaient, et qu’il fallait partir. Les rues étaient pleines de voitures avec des familles qui partaient. A 3h du matin, nous sommes arrivés à Ankawa. »

 

Plus de 6 mois après, Rany*, 22 ans, chrétien originaire du village de Karemlesh, dans la plaine de Ninive, en Irak, vit toujours dans le camp d’Ankawa. Il fait partie des 160.000 chrétiens déplacés l’été dernier après l’offensive du groupe islamiste dans la zone, et au nom desquels est organisé ce vendredi à New York un débat public du Conseil de sécurité des Nations Unies sous la présidence du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

Irak
Type d'intervention

Réflexions

Quand ils sont arrivés, les djihadistes ont offert à ceux qui étaient encore là de partir, rester et payer un tribut, se convertir ou mourir, continue Rany. Pourtant, dans son village, musulmans et chrétiens avaient toujours vécu en paix. « Mais à Mossoul, depuis 6-7 ans, il était de plus en plus dangereux de vivre pour les chrétiens. Ils étaient tués, kidnappés, menacés… pour qu’ils quittent la ville. » Une option que certains ont choisie bien avant: Valentine, chaldéenne de 38 ans, a fui le pays en 2010 « car la situation se dégradait de plus en plus ».

 

Titulaire d’un master de sciences et de chimie, la jeune femme donnait des cours à la faculté de sciences, avant de travailler dans une pharmacie. « Dans les années 1990, sous Saddam Hussein, lorsque j’étais à l’université, il y avait déjà des problèmes. Lorsque nous sortions ou que nous nous baladions entre chrétiens, on nous faisait toujours des réflexions pour savoir pourquoi on était ensemble, par exemple. »

« Un pays pour les musulmans, pas pour les chrétiens »

Mais, année après année, ce type de réflexions a fait place à une situation encore plus difficile. « Beaucoup de gens se faisaient insulter, des amies de mes tantes se sont fait attaquer à cause de leur religion. Quand j’habitais à Mossoul, la maison d’une voisine a été attaquée, juste parce qu’elle était chrétienne », égrène-t-elle, soulignant qu’elle pourrait raconter de telles histoires pendant des heures.

 

« Nous n’allions pas à l’église seuls, mais toujours en groupe, pour ne pas risquer une agression, continue-t-elle. Mon patron à la pharmacie me demandait pourquoi je ne portais pas le foulard, pourquoi je me maquillais… Des collègues musulmans à l’université me demandaient pourquoi je ne partais pas d’Irak, “un pays pour les musulmans, pas pour les chrétiens…» La jeune femme, qui étudie aujourd’hui le Français à la Sorbonne, leur répondait qu’elle est chaldéenne et que donc, historiquement, l’Irak est plus son pays que le leur. « Et je voyais bien dans leurs yeux leur haine. » Pour elle, impossible de retourner vivre en Irak, où « les chrétiens ne peuvent pas vivre en sécurité et en paix ».

« Pas de futur possible »

Un constat partagé par une majorité, selon Tanneguy Roblin, responsable adjoint de la mission de SOS Chrétiens d’orient en Irak. « Leur plus gros traumatisme, c’est d’avoir été chassés et poursuivis parce qu’ils étaient chrétiens, alors qu’avant ils réussissaient à vivre avec les musulmans. Leurs voisins se sont emparés de leurs biens, ont envahi leurs maisons, ont volé leurs affaires… Ils ne voient pas de futur possible ici pour eux ou pour leurs enfants. »

 

Rany, lui, pense différemment: très engagé en faveur de sa communauté -il est resté en Irak alors que sa famille est partie en Jordanie pour tenter d’obtenir un visa, et donne des cours aux enfants du camp. « Je veux retourner chez moi. Bien sûr la situation sera différente, beaucoup de familles ont fui et ne reviendront pas. Mais j’espère que la cohabitation sera tout de même possible. Dans mon village, on a toujours tous vécu en paix, c’est peut-être encore possible. Même si je n’en suis pas sûr, on ne sait jamais ce qui peut se passer. »

 

*Le prénom a été modifié.

Article écrit par Bérénice Dubuc

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Pauline Visomblain

Responsable des relations presse