Le spectacle de notre jeunesse désœuvrée, apathique face aux seuls horizons qui s’offrent à elle – la précarité et la surconsommation -, est sans nul doute un des pires maux qui afflige notre civilisation. Un spectacle si répandu, qu’il tend à obscurcir une autre réalité : celle d’une jeunesse rayonnante, active, et courageuse.
Erwan Deshais est de celle-ci. Ce jeune Breton a choisi l’action et pour ce faire il a entrepris de traverser l’Europe à pied pour atteindre le Moyen-Orient, dans la plus digne tradition des pèlerinages chrétiens d’un temps. Cette marche, au profit de SOS Chrétiens d’Orient, est une aventure autant spirituelle que caritative. Elle est dédiée aux réfugiés arméniens de l’Artsakh. Nous l’avions déjà rencontré quelques jours après son départ de Rome. Il nous a accordé un second entretien.
Breizh-info.com : Bonjour Erwan, vous avez bien marché depuis notre dernière rencontre. Où vous trouvez-vous actuellement ?
En effet, j’ai bien avancé depuis notre dernière rencontre. Aujourd’hui, 73 jours après mon départ de Rome, j’ai traversé l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie et la Bulgarie pour finalement arriver en Turquie et plus précisément à Istanbul (ou Constantinople pour les plus nostalgiques). J’ai donc marché environ 2300 km en 2 mois et demi. Je vais rester à Istanbul pour la semaine sainte et je reprendrais la marche après Pâques. Je vais donc pouvoir visiter cette ville gigantesque et me reposer.
Breizh-info.com : Après avoir parcouru un pays qui nous est familier, l’Italie, vous avez traversé les Balkans, une partie d’Europe un peu plus méconnue. Le dépaysement vous a-t’il saisi ? Quelle impression vous ont fait les gens du sur place ?
Le dépaysement est en effet total. Premièrement sur la langue. En Italie, j’arrivais à comprendre à peu près ce que les gens me disaient car c’est une langue latine. En revanche après la Slovénie, cela change vraiment radicalement, et encore plus en Serbie et en Bulgarie car ce n’est même plus le même alphabet. Les cultures sont aussi très différentes évidemment. J’ai eu l’impression que les gens étaient bien plus fervents en termes de religion, qu’ils soient catholiques en Slovénie et en Croatie, ou orthodoxes en Serbie et en Bulgarie. Les églises et les offices orthodoxes sont évidemment différents aussi. Les églises orthodoxes sont très belles et généralement très richement décorées à l’intérieur avec beaucoup de mosaïques ou de peintures, et bien sûr énormément d’icônes. J’ai eu la chance d’en visiter beaucoup et aussi de m’arrêter dans de vieux monastères avec des peintures datant de plusieurs centaines d’années.
Une autre chose qui très différente avec l’Europe de l’Ouest et que j’ai remarqué depuis mon entrée en Serbie est le nombre de chiens errants. On peut les croiser aussi bien en campagne qu’en ville et il faut y faire attention car ils sont parfois agressifs et peuvent mordre (ce qui m’est arrivé une fois).
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Breizh-info.com : Avez-vous rencontré des difficultés ? L’hospitalité varie-t’elle d’une région à l’autre ? Les habitants voient-ils d’un bon œil un pèlerin arpenter les rues ?
Non, je n’ai pas rencontré de difficultés majeures pour le moment. Cependant, on sent bien que l’attitude général des gens change en Europe de l’Est. Ils sont généralement un peu plus méfiants, et il est plus difficile de se faire accueillir dans ces pays. Je pense que c’est en partie dû au fait que les gens ne comprennent pas forcément ma démarche. En effet, les pèlerinages sont quelque chose de presque totalement absent en orthodoxie. De plus, ce sont des peuples plutôt très casaniers. Ils ne comprennent donc pas pourquoi un jeune part marcher plusieurs mois seul à travers l’Europe entière. Et c’est d’autant plus compliqué à expliquer car en dehors des grandes villes, les personnes ne parlent presque pas anglais. Mais il y a bien sûr des exceptions et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont beaucoup aidé.
Breizh-info.com : Vous marchez maintenant depuis plus de deux mois. Quelle est votre journée type ? Ressentez-vous la nostalgie de la France et la solitude vous pèse-t ’elle ?
Je marche depuis maintenant plus de 70 jours, et ma journée type change petit à petit, car le soleil se couche plus tard maintenant et je m’adapte à la luminosité du jour. Avant, je me levais vers 7h, je faisais ma prière du matin, je rangeais mes affaires et je prenais le petit-déjeuner avec les gens qui m’accueillaient avant de partir vers 8h-8h30. Je faisais une pause pour le déjeuner après avoir marché environ 20km, puis j’effectuais le reste de la marche l’après-midi afin d’arriver avant le coucher du soleil à l’endroit où j’espérais dormir, donc vers 16h. Sur la route, ma marche est rythmée par la prière bien sûr, mais il y a aussi des moments où je chante. Ensuite après avoir trouvé où dormir, je dînais généralement avec les gens chez qui j’étais avant de me coucher le plus tôt possible pour récupérer au mieux, donc vers 21h30 au plus tard. Maintenant comme le soleil se couche plus tard, tout est en train de se décaler d’environ 1h, et je peux aussi marcher plus longtemps durant la journée. Je ressens bien sûr la nostalgie de la France, en particulier sur le plan gastronomique. Vous n’imaginez pas à quel point le fromage me manque ! La solitude pèse aussi bien. Le plus dur était en Croatie, Serbie et Bulgarie car le temps jouait contre moi et les endroits par lesquels je suis passé n’étaient vraiment pas très beaux, je n’en voyais donc pas le bout. Mais maintenant cela va mieux, car je sais que j’arriverais d’ici 1 mois en Arménie et cela m’aide à marcher !
Droit dans ses baskets, ce jeune Breton continue son aventure spirituelle et solidaire. Au prochain rendez-vous ! En attendant, vous pouvez suivre ses pas sur sa page Instagram et le soutenir ici.