des réfugiés ukrainiens
Sur le camp de Siret, au nord-est de l’arrière-pays roumain, des milliers de réfugiés ukrainiens affluent depuis dix jours. L’intensification des combats en Ukraine pousse femmes et enfants à franchir la frontière de l’Union européenne, très peu regardante sur son hermétisme, et la Roumanie figure comme un pays de transit majeur. Chrétiens orthodoxes dans leur immense majorité, les réfugiés ukrainiens arrivent ici désorientés et sans repères.
Les femmes ont laissé leurs maris sur place, restés pour combattre, abandonné la plupart de leurs biens et ne comptent pour bagages que quelques valises remplies dans l’urgence. Apeurés, transis par le froid et épuisés par le voyage, ces réfugiés slaves sont heureux de trouver à Siret de nombreux volontaires chrétiens venus leur porter assistance.
Missionnaires évangélistes, Église catholique syriaque et popes orthodoxes, ces visages cléricaux rassurent des réfugiés assez peu enclins à discuter avec les autorités roumaines…
Dans une tente dédiée, un groupe de quatre évangélistes met à disposition 24h/24 soupe, bouillie, café et thé. Arrivés dès l’ouverture du camp de Siret, ces missionnaires ont participé à l’installation des tentes et à l’édification du camp. L’un d’entre eux, Marius, est mobilisé en quasi-permanence. Fatigué après une éprouvante journée, ce dernier nous confie : « L’image la plus dure que j’ai eu à voir depuis le début de cette crise, c’est le regard hagard d’un bébé voyant dans les yeux de sa mère la peur et le désespoir […] Un bébé n’est pas habitué à voir la peur dans les yeux des gens, encore moins ceux de sa maman. » Issus d’une mission évangélique roumaine, ces quatre hommes, âgés de 35 à 60 ans, restent souriants et optimistes en toutes circonstances. « Ces réfugiés, qui pour certains ont tout perdu, ont besoin d’un soutien psychologique. Avec l’aide de Dieu, nous tentons de le leur offrir ! », poursuit Marius dans un anglais impeccable.
Un peu plus loin dans le camp, construit en longueur et longeant la frontière ukrainienne, un stand est animé par des prêtres orthodoxes. De nombreux Ukrainiens s’y arrêtent, discutent avec les popes, y dégustent un petit thé en attendant le bus qui les conduira dans des centres d’hébergement. En nous voyant, l’un des prêtres nous interpelle et engage la conversation. Interrogé sur le « succès » de son stand, il nous répond : « Les Ukrainiens sont comme les Russes, c’est un peuple dur et assez froid, ils ne discutent pas avec tout le monde comme les Latins. Mais nous représentons le Patriarche orthodoxe, alors naturellement, ils viennent à nous. » Religieux d’à peine 35 ans, Constantin poursuit : « Lorsque nous traversons des crises de ce type, les gens se tournent plus facilement vers Dieu, et donc vers nous autres, les clercs. Nous sommes heureux d’aider les réfugiés ukrainiens. Cette guerre est un drame car elle oppose un même peuple, des slaves chrétiens tuent d’autres slaves chrétiens, c’est réellement une tragédie… »
Profitant de son statut de pope, nous l’interrogeons sur l’Église orthodoxe russe et sa position quant à la guerre en Ukraine. De fait, la question semble ne pas l’embarrasser mais plutôt l’attrister : « Le Patriarcat de Moscou (l’Église russe) subit évidemment des pressions de la part de Poutine et elle joue un jeu ambigu. Les patriarches disent vouloir éviter la mort des chrétiens, mais refusent de condamner officiellement l’invasion… »
Orthodoxes, évangélistes, bientôt catholiques avec l’arrivée imminente de SOS Chrétiens d’Orient, les chrétiens ont répondu présent aux besoins humanitaires des réfugiés ukrainiens fuyant leur pays pour aller vers l’Ouest. Pour les fidèles de toutes les Églises, cette guerre, si elle n’est évidemment pas religieuse, effraie par son envergure et par le tragique de son constat : aux portes de l’Europe, des chrétiens tuent d’autres chrétiens.
Un article de Geoffroy Antoine