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Entretien avec Marc Fromager, directeur de l'Information pour l'association SOS Chrétiens d'Orient

Le Dialogue

Né à Nouméa en 1968, Marc Fromager est père de six enfants. Il a une forte expérience à l’international puisqu’il a travaillé pendant près de 32 ans dans l’humanitaire. Homme de terrain, Marc Fromager a notamment parcouru la planète lorsqu’il dirigeait (pendant 21 ans) l’Aide à l’Église en détresse (AED) en France. Aujourd’hui, il est le Directeur de l’Information pour l’association SOS Chrétiens d’Orient. Il est par ailleurs un chroniqueur régulier pour Le Dialogue. Il est l’auteur du livre Guerres, pétrole et radicalisme, les chrétiens d’Orient pris en étau, Éditions Salvator, 2015, Prix « La plume et l’Épée » en 2016. 

Dans cet entretien exclusif pour Le Dialogue, il nous présente la raison d’être et les actions de l’association SOS Chrétiens d’Orient et nous explique également ses nouvelles fonctions et ses objectifs au sein de l’organisation.

Propos recueillis par Angélique Bouchard 

EGYPTE
Type d'intervention

Le Dialogue : SOS Chrétiens d’Orient est souvent victime de critiques et d’une certaine désinformation de la part des médias français. Pouvez-vous rétablir rapidement certaines vérités et nous présenter la véritable raison d’être de cette association, ses actions et ses réalisations ? 

Marc Fromager : Il est toujours aisé de critiquer. Certains, pour des raisons qu’il faudra un jour élucider, ont toujours cherché et continuent activement à vouloir nuire à SOS Chrétiens d’Orient. 

Personnellement, j’ai vu cette organisation opérer sur le terrain avant de la rejoindre et j’ai toujours apprécié leur professionnalisme et leur dévouement aux populations locales. Pas de politique dans cette action et cette présence sur le terrain, simplement le témoignage d’une proximité de la jeunesse française au service des chrétiens et plus largement de la population dans son ensemble dans des contrées en grande détresse. 

On se plaint toujours que les jeunes ne s’engagent plus et ici, nous avons une mobilisation extraordinaire de jeunes qui avaient entre 20 et 30 ans et qui se sont mobilisés pour aider avec beaucoup de courage et d’audace. Moi, j’ai simplement envie d’applaudir et 10 ans après, cet enthousiasme de SOS Chrétiens d’Orient n’est pas retombé !

Marc Fromager, vous avez une longue expérience dans l’humanitaire, notamment en tant que responsable de l’AED, l’Aide à l’Église en détresse. Vous avez dernièrement décidé de rejoindre SOS Chrétiens d’Orient afin d’en être le nouveau Directeur de l’Information. Quel sera concrètement votre rôle et quels sont vos objectifs et vos ambitions pour l’association dans vos nouvelles fonctions ? 

Comme toutes les organisations, SOS Chrétiens d’Orient communique sur son action et ses projets. Présentes sur le terrain, les équipes ont évidemment une perception plus fine de ce qui s’y passe et de la réalité de la situation. L’organisation diffusait déjà cette connaissance du terrain qui lui donnait aussi un surcroît de légitimité. 

Avec ce nouveau département de l’Information qui est créé, l’idée est d’amplifier et d’enrichir l’information sur ce qui se passe au Proche-Orient et plus largement dans tous les pays où vivent traditionnellement des Chrétiens d’Orient, à savoir toute la zone de l’Ukraine à l’Éthiopie sur un axe vertical et de l’Égypte à l’Inde sur un axe horizontal. 

Le projet ne sera donc pas tant de parler de l’organisation en tant que telle mais d’essayer de comprendre, d’analyser et de décrypter l’actualité géopolitique et religieuse et notamment son impact sur la population locale, y compris pour les chrétiens sur place. 

Cette information se veut donc une valeur ajoutée pour tous ceux que cela pourrait intéresser, que ce soit nos donateurs existants ou futurs, les médias et autres institutions, ecclésiales, politiques ou civiles. Nous pensons que cela ne peut que renforcer, si besoin était, notre crédibilité, légitimité et notoriété. 

Vous êtes un grand connaisseur du monde arabe où vous vous rendez régulièrement depuis de nombreuses années. Après plus de dix ans de chaos suite aux fameux « printemps arabes », comment voyez-vous aujourd’hui le sort des chrétiens d’Orient ? Sont-ils plus en sécurité qu’il y a une décennie ou au contraire sont-ils plus menacés malgré l’islamisme (sous toutes ses formes) en net recul dans la région ?

J’ai eu la chance en effet de me rendre à plusieurs reprises dans tous les pays de la région, hormis le Yémen que j’espère bien pouvoir visiter prochainement. 

J’aimerais d’abord préciser que même si notre action se porte essentiellement au profit des Chrétiens, c’est bien le sort de toute la population de ces pays qui nous affecte. Que les personnes soient sunnites, chiites, yézidis, alévis ou que sais-je encore, nous ne pouvons pas rester insensibles à ce qu’elles traversent comme épreuves, à fortiori lorsque certaines situations de chaos sont en partie dues à des interventions occidentales !

Pour en revenir aux chrétiens, force est de reconnaître que leur nombre n’a cessé de diminuer et que parfois, on se demande même si leur survie est assurée. Il y a eu des heurts, des hauts et des bas depuis des siècles mais tout s’est accéléré au XXème siècle et en particulier ces 30 dernières années. La déstabilisation de la région par des puissances occidentales, États-Unis en tête, ainsi que des confrontations régionales, ont épuisé la population locale. Le nombre de morts, de déplacés et de réfugiés est tout simplement apocalyptique ! 

Parmi ces innombrables victimes, les musulmans constituant le plus grand nombre parce qu’ils sont les plus nombreux de la région, il faut bien reconnaître que les chrétiens ont subi comme une double peine : noyés comme leurs concitoyens dans le chaos créé artificiellement, leur fidélité au Christ leur a souvent valu des discriminations supplémentaires. 

Certes, le niveau de violence a baissé et on constate en effet une amélioration de la sécurité mais tout n’est pas réglé et encore une fois, la diminution drastique de leur nombre – je pense en particulier à l’Irak et à la Syrie – rend leur avenir incertain. 

Tous les spécialistes s’accordent à dire que la guerre en Ukraine est en train d’accélérer le basculement du centre de gravité géopolitique mondial au profit d’une Chine, de plus en plus forte et influente, et à l’inverse, avec un Occident, lui, en perte de vitesse voire « en fin de règne » pour certains. L’Afrique et le Moyen-Orient sont d’ailleurs des régions où cette inflexion est la plus visible. D’après vous, quelles conséquences cela peut avoir pour les chrétiens présents dans ces zones ? 

À vrai dire, même si on ne peut que regretter amèrement cette guerre atroce qui a lieu en Ukraine et bien sûr, on pense avec émotion aux victimes militaires et civiles, qu’elles soient ukrainiennes ou russes, il apparaît en effet que ce conflit a un impact beaucoup plus large et qui concerne toute la planète.

Je ne sais pas si on peut dire que ce basculement que nous observons ne profite qu’à la Chine. Nous observons le passage d’un monde unipolaire, fortement dominé par les États-Unis, à un monde multipolaire. 

Certains parlent de bipolarité avec d’un côté, l’Occident (G7) et de l’autre, le reste du monde (BRICS+ ainsi que tous les candidats pour les rejoindre) mais je pense plutôt à une multipolarité qui ne pourra être que bénéfique sur le long terme. 

Les effets s’en font déjà sentir et notamment au Proche-Orient. Citons par exemple le rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran : c’était quelque chose d’assez inimaginable il y a encore peu et cela a déjà un impact : on constate un apaisement au Yémen et on peut imaginer que certaines choses finiront par se débloquer au Liban, pour ne citer que ces deux pays où la guerre par procuration entre Saoudiens et Iraniens avaient largement contribué au chaos. 

Dans ce contexte, on se met à espérer un apaisement plus général au Proche-Orient dont bénéficiera toute la population, y compris les chrétiens. 

Les chrétiens ne cherchent pas à obtenir des avantages ou des bénéfices territoriaux ou autres. Ils ont toujours été un pont entre les différentes communautés et j’espère qu’ils pourront à nouveau participer pleinement à la vie de leurs pays respectifs en assurant cette passerelle au service de la paix. 

Votre responsablede pôle

Pauline Visomblain

responsable relations presse