Entretien avec Benjamin Blanchard, directeur général de l’association « SOS Chrétiens d’Orient », sur leur fonds de dotation qui a financé la reconstruction de l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours à Mossoul en Irak.
Pourquoi et comment SOS Chrétiens d’Orient a-t-il choisi de s’engager spécifiquement dans la reconstruction de l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours et de son école ?
L’objectif était vraiment de ne pas laisser gagner Daesh. Si nous laissons cela en état, en se disant qu’il n’y a plus de chrétiens et que cela ne sert à rien, ils auront gagné ! En 2021, la visite du Pape François avait eu un gros impact. Il s’était notamment rendu à Mossoul pour prier et tenir une réunion avec les chefs religieux.
Déjà avant la visite du pape en Irak, Mgr Najeeb, archevêque des chaldéens, voulait reconstruire cette église pour marquer du terrain et au-delà de ça que les chrétiens n’abandonnent pas Mossoul. Quand Mgr Najeeb nous a sollicité en 2019 pour reconstruire l’église, c’était naturel puisque nous avions déjà apporté notre aide aux chrétiens pendant l’exil. SOS Chrétiens d’Orient les a aidés à revenir dans les villes et villages majoritairement chrétiens. Cela nous a semblé être la suite logique car c’est indispensable pour l’avenir. Moi-même je me suis rendu dans cette église en ruine, puis j’y suis retourné en 2022 pendant les travaux et cette année pour la troisième fois. Le projet a été financé grâce au fonds de dotation « SOS Chrétiens d’Orient », recevant les legs, un de ces derniers a permis de reconstruire l’église, et un autre l’école.
Pouvez-vous nous décrire le contexte dans lequel l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours à Mossoul a été détruite ?
Mossoul a été pris par l’État islamique en 2014, presque tous les chrétiens sont partis. Daech a profané l’église comme à la Révolution française, de façon barbare, en crevant les yeux des icônes, décapitant les statues et enlevant les croix. En 2018, il y a eu la guerre de libération de Mossoul contre l’État islamique, qui s’est conclue, par la prise de Mossoul.
L’événement a débuté avec l’inauguration solennelle de l’école, présidée par le patriarche des chaldéens, Louis-Raphaël Ier, au cœur d’une dispute avec le gouvernement irakien concernant l’abrogation d’un décret.
Ce décret confiait la gestion des biens religieux, incluant le patrimoine de l’Église chaldéenne, aux chefs des différentes Églises. Simultanément, un autre décret a été également abrogé alors qu’il le désignait comme représentant de l’ensemble des chrétiens, en tant que patriarche de l’Église la plus importante numériquement.
Dans son discours, le patriarche Louis-Raphaël Ier a fermement protesté contre l’injustice dont il était victime de la part des autorités étatiques et, à travers lui, l’ensemble des chrétiens d’Irak. La cérémonie a réuni divers dignitaires, notamment des représentants officiels, des chefs tribaux musulmans, ainsi qu’un envoyé du gouverneur, des donateurs, les ingénieurs et des membres de « SOS Chrétiens d’Orient » qui ont supervisé le projet.
Après la traditionnelle coupure du ruban symbolique pour marquer l’ouverture de l’école, l’assistance a pris place dans l’église où le patriarche, accompagné de deux autres évêques chaldéens et de l’archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul Mgr Nicodème, a prononcé son discours énergique.
Des distinctions ont ensuite été remises à plusieurs membres de la délégation, incluant les dirigeants de SOS Chrétiens d’Orient et du Fonds de dotation, ainsi que des généreux donateurs. Un artisan orfèvre suisse a également été honoré pour avoir confectionné un ostensoir offert à l’église.
La célébration s’est poursuivie avec la messe célébrée par le patriarche, débutant par l’onction de l’autel.
En quoi la reconstruction de l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours contribue-t-elle au retour des chrétiens dans la ville de Mossoul ?
Dans la ville meurtrie de Mossoul, une des nombreuses églises renaît de ses cendres : Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Elle représente un symbole de résistance, étant la deuxième à avoir été reconstruite. Cependant, elle détient un titre inédit : celui d’être la première à être consacrée.
Cette consécration, bien que significative, ne signifie pas pour autant un retour massif des chrétiens dans la région. Néanmoins, elle offre un certain réconfort à quelques familles qui, nous espérons, participeront activement à la vie de l’église et de l’école.
Quels sont les prochains projets ou initiatives que votre association prévoit de réaliser dans la région, entenant compte de cette réussite de reconstruction à Mossoul ?
En revenant de Mossoul, nous avons visité un village dans la plaine de Ninive, nommé Bartela, confronté à d’énormes difficultés. Les milices chiites y exercent une pression notable sur les chrétiens, se manifestant notamment par des pressions accrues sur le foncier ou, d’un point de vue sécuritaire, par l’excès de zèle du barrage des milices à l’entrée du village. Dans ce village, nous supervisons la construction d’une vaste salle destinée à accueillir les célébrations de mariages et de baptêmes.
Cette infrastructure appartiendra à la paroisse syriaque orthodoxe et sera entièrement sécurisée, en réponse au tragique incendie survenu l’automne dernier à Qaraqosh, où un grand hall similaire avait pris feu, entraînant la perte de 107 personnes lors d’une réception de mariage.
Cet événement traumatisant a semé l’inquiétude au sein de la population, ravivant les craintes et poussant de nombreux habitants à envisager de nouveau l’exode. Les circonstances entourant l’incendie demeurent obscures, alimentant les spéculations et renforçant le sentiment d’insécurité qui pousse les gens à partir.