6 h du matin ce vendredi, le chef de mission de SOS Chrétiens d’Orient Irak, son traducteur et moi-même sommes attendus dans la rue par une voiture. Au volant, l’ancien chauffeur d’un haut gradé du régime de Saddam Hussein.
Sans perdre de temps, nous remplissons le coffre d’huile, de riz, de viande, de viennoiserie et de chocolat.
Notre destination : le monastère de Mar Matti (saint Matthieu, en arabe), à environ 35 kilomètres au nord-est de Mossoul et à peu près 5 de l’État islamique.
L’objectif : apporter de la nourriture aux prêtres ainsi qu’aux 7 familles chrétiennes originaires de Mossoul et de Qaraqosh refugiées dans ce monastère.
Nous devons compter une heure de trajet, c’est-à-dire presque deux avec les barrages. Il y en a exactement trois depuis Erbil et ils se renforcent à mesure que nous approchons de Mar Matti. Nous croiserons d’importants camps de déplacés shabakis et yazidis originaires du Sinjar et de Ninive ainsi que des forces militaires chaque fois plus conséquentes avec, d’un côté de la route, le SWAT irakien, de l’autre, les Peshmergas kurdes.
Le dernier point de contrôle est le plus incertain, on ne nous laisse pas passer facilement.
Les Peshmergas nous font alors bien comprendre que la suite de notre voyage est à nos risques et périls car là où nous nous rendons, personne ne peut plus assurer notre sécurité.
Une fois celui-ci franchi, nous nous retrouvons seuls sur le dernier segment de route qui nous conduit au monastère. La route est dangereuse, le chauffeur roule le plus vite possible, refusant d’offrir aux membres de l’État islamique l’occasion de faire de nous les cibles de leurs tirs de snipers et de mortiers.
C’est alors en trombe que nous traversons les quelques villages devenus fantômes depuis l’invasion islamiste.
Très vite, nous apercevons déjà le monastère flanqué dans la montagne. Il est magnifique. C’est l’un des fameux vestiges historiques en Irak. Ce saint mausolée est sous le patronage de l’Église syrienne orthodoxe. Il est considéré comme l’un des sites chrétiens les plus importants de par sa situation géographique qui se situe au nord de l’Irak, un lieu célèbre pour sa beauté, son climat, sa distinction et son importance.
Fondé au quatrième siècle par un ermite syrien du nom de Mar Matti, le monastère attira des milliers de moines en provenance de Ninive et de Perse.
Le panorama qu’offre le monastère sur la plaine de Ninive est remarquable. En contrebas, un village dans lequel seule une famille s’est résignée à fuir. Un peu plus loin mais toujours perceptible, la longue tranchée qui nous sépare de l’État islamique.
C’est la deuxième fois que l’association SOS Chrétiens d’Orient se rend au monastère de Mar Matti en l’espace d’un mois. La première fois, c’était pour livrer 1.700 litres d’essence et quelques vivres. Rabban Youssef, un des moines responsables du monastère, nous confiait que depuis l’invasion éclair des villes de Mossoul et de Qaraqosh en juin et août 2014, ils n’avaient encore reçu aucune visite de la part d’organisations humanitaires…
Maintenant que Tikrit a été reprise par l’armée irakienne et les milices chiites, c’est désormais la libération des provinces d’Anbar et de Mossoul qui est visée.
D’ici là, peut-être aurons-nous la chance de revoir nos frères dans des conditions bien plus favorables et que la vie alentour aura repris son cours…
Un article de Alexandre Goodarzy