« Elle a été libérée. On m’a dit qu’elle était dans un avion mais personne ne sait où elle va atterrir », a déclaré par écrit l’avocat d’Asia Bibi à l’Agence France Presse. La chrétienne, acquittée il y a une semaine après huit ans passés dans le couloir de la mort au Pakistan pour blasphème, mais qui était restée incarcérée depuis lors, aurait été libérée puis emmenée en un lieu sécurisé inconnu, selon Me Saif ul-Mulook.
« Asia Bibi a quitté la prison et a été transférée dans un endroit sûr ! Je remercie les autorités pakistanaises », a tweeté le président du Parlement européen, Antonio Tajani, ajoutant l’attendre « dès que possible avec son mari et sa famille » à Bruxelles. «Elle est toujours au Pakistan», a cependant indiqué un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Muhammad Faisal, alors que certains médias avaient fait état d’un départ dans la nuit pour l’étranger.
Sa libération pourrait provoquer la fureur des milieux islamistes radicaux qui appellent de longue date à son exécution. Selon un responsable de l’aviation civile, l’aéronef qu’elle a emprunté, immatriculé au Pakistan, devait se poser à Islamabad. D’après un autre cadre de l’aviation civile, basé à Multan (centre), la ville où Asia Bibi était détenue, l’avion avait atterri plus tôt dans la soirée avec « quelques étrangers et quelques Pakistanais » à son bord, sans plus de précision.
L’ordre d’élargissement est parvenu mercredi à la prison de Multan, a indiqué un cadre pénitentiaire. Soit une semaine jour pour jour après son acquittement par la Cour suprême, qui avait alors prononcé sa libération « immédiate ».
Le mari d’Asia Bibi a demandé de l’aide à la communauté internationale
Le mari d’Asia Bibi a réclamé samedi l’asile pour sa famille aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou au Canada, arguant d’un trop grand danger s’ils restaient au Pakistan. « Je demande au président Donald Trump de nous aider à partir. Après cela, je demande à la Première ministre britannique (Theresa May) de faire de son mieux pour nous aider », a déclaré Ashiq Masih dans un message vidéo. Le mari d’Asia Bibi a également sollicité l’« aide » du Premier ministre canadien Justin Trudeau.
Mercredi, une autre vidéo d’Ashiq Masih a été mise en ligne par l’association italienne catholique Aiuto alla chiesa che soffre (Aide à l’Eglise qui souffre), dans laquelle il appelle le gouvernement italien à l’aide pour les faire sortir du Pakistan, où les conditions de vie deviennent selon lui très difficiles.
« Nos vies sont en danger. Nous n’avons même plus de quoi manger parce que nous ne pouvons plus sortir faire des courses », y déclare le mari d’Asia Bibi, selon la traduction italienne de ses déclarations. Après ce message, le Premier ministre italien Matteo Salvini a tweeté qu’il ferait « tout ce qu’il est humainement possible pour garantir un avenir à cette femme ».
La France « étudie » de son côté sous quelle forme elle pourrait aider ou accueillir la chrétienne « avec (ses) partenaires européens et internationaux », a déclaré sa secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. La maire de Paris Anne Hidalgo s’est dite lundi « prête à l’accueillir » avec sa famille dans la capitale française.
Colère des islamistes
L’affaire Asia Bibi divise fortement le Pakistan, pays musulman très conservateur où le blasphème est un sujet extrêmement sensible. Des accusations suffisent à provoquer des lynchages.
Après l’acquittement, des islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux. L’exécutif s’était engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer une requête en révision du jugement d’acquittement. L’accord a été critiqué par de nombreux Pakistanais, furieux que l’Etat ait cédé face aux extrémistes.
L’annonce de la sortie de prison d’Asia Bibi tard mercredi a suscité la colère du Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un parti central dans les dernières protestations. « La libération d’Asia Bibi est contraire à l’accord avec le gouvernement », envers lequel « il n’y aura plus de confiance », a-t-il réagi dans un communiqué. Après l’acquittement, le TLP avait appelé ses partisans à assassiner les juges de la Cour suprême et avait incité les militaires à se mutiner.