C’était promis. C’était juré. La vie politique ne s’y ferait plus reprendre. Après l’implosion de la Syrie et l’expansion de l’Organisation État Islamique, chacun affirmait, la main sur le cœur, que le sort des chrétiens d’Orient ne déserterait plus la vie médiatique comme le débat public.
Nos frères aînés dans la foi, délaissés pendant de longues années, oubliés des décisions géopolitiques, auraient systématiquement le droit à la prise en compte collective et à la solidarité active. L’Élysée, les ministres et tout le monde officiel, ecclésial compris, avaient appris de leurs erreurs. La campagne pour les élections européennes de 2024 prouve qu’il s’agissait bien de vœux marqués par l’impiété. Exit les grandes promesses, les affichages, la mobilisation des moyens de l’État pour leur secours. Exit la remise en cause collective des choix de politique étrangère. Exit la mise en avant du devoir de charité des nations européennes envers les communautés chrétiennes orientales.
L’actualité a pourtant fourni nombre de sujets qui devraient interpeller les électeurs : l’invasion du Haut Karabagh arménien par les troupes azéries alors que la présidente de la commission européenne, éminente représentante du centre-droit allemand, a signé un contrat gazier historique avec Bakou ; la mise sous le boisseau des souffrances des chrétiens palestiniens ne suscite pas d’émotion : l’implosion programmée du Liban, condamné à ployer sous le fardeau des migrants syriens, est absolument passée sous silence. Et ce ne sont que des exemples pris dans la cohorte des drames qui accompagnent les destins des chrétiens d’Orient.
Pourquoi un tel effacement ? Bien sûr, les drames s’accumulent dans le quotidien des Français qui peuvent les éloigner de l’attention et la disponibilité à la cause des communautés chrétiennes orientales. La violence de l’actualité internationale, rythmée par les bombardements sanglants à Gaza, l’attente éprouvante de la libération des otages israélites, et les victimes civiles de la guerre en Ukraine, sature l’expression médiatique. Tout cela occupe une place dans l’effacement que je déplore.
Comment une communauté autant soutenue peut être autant martyrisée
L’instrumentalisation permanente de la cause des chrétiens d’Orient est certainement une autre de ses raisons. Soudainement, ils étaient devenus un sujet de ralliement consensuel pour tous les acteurs médiatiques : les néoconservateurs qui avaient applaudi l’invasion de l’Irak en 2003, ceux qui avaient voulu épouser les motivations des rebelles syriens, les vieux ennemis de toute place offerte au christianisme dans la vie sociale, et même d’autres n’omettaient jamais de verser leur obole politique sur le sujet. Les naïfs auraient même pu se demander comment une communauté autant soutenue pouvait être autant martyrisée.
Las, cette communion frauduleuse n’aura rien changé au sort de nos amis d’Irak, d’Arménie, du Liban ou de Syrie. Accessoires des décisions politiques internationales, les églises orientales sont rangées parmi les effets secondaires déplorables mais obligatoires.
SOS chrétiens d’Orient ne peut pas accepter ce silence. SOS chrétiens d’Orient s’indigne de cette démission. Nous continuerons à porter la voix des chrétiens souffrants malgré les appels à adoucir nos propos : nous voyons bien que ménager les égorgeurs ne mène à rien. Nous continuerons à défier les pouvoirs quand ils s’éloignent du service du devoir historique de la France envers nos frères chrétiens. Nous voyons bien que nous ne pouvons pas laisser ça aux personnels institutionnels.
Il n’est jamais trop tard pour nous entendre : rétablissez la prière familiale pour les chrétiens d’Orient, l’interpellation extra-familiale de ceux qui les abandonnent et l’engagement public pour ces églises. C’est à ce prix que cette cause ne disparaîtra pas.