célèbrent Pâques à Damas
Aux côtés des catholiques syriens – les orthodoxes entament à peine leur carême – se trouvent cinq députés français. Récit.
Cinq heures du matin ce dimanche, les « alléluias » résonnent dans les rues du quartier chrétien de Bab Sharki, à Damas. Aux côtés des catholiques venus fêter Pâques – pendant que les orthodoxes entament à peine leur carême – se trouvent cinq députés français « Les Républicains » venus en Syrie pour l’occasion avec l’appui de l’association syrienne al-Karma*.
Thierry Mariani, Valérie Boyer, Nicolas Dhuicq, Michel Voisin et Denis Jacquat se tiennent en face du patriarche Grégoire III Laham, qui s’adresse à eux en français, à plusieurs reprises.
« Dites à François Hollande que nous, nous aimons la France », lance-t-il avant de transmettre un message qui lui tient à cœur et qu’il répète sans cesse : « merci d’avoir accueilli nos fidèles en France mais leur place est ici ! Œuvrez pour la paix en Syrie, aidez-nous à rester dans notre pays qui est beau et dans lequel nous avons su et saurons vivre. Ils sont Syriens et nous avons besoin de tous pour reconstruire ! »
Valérie Boyer explique la démarche : « cette cause est la mienne depuis longtemps et nous avons voulu apporter notre soutien concret à la population syrienne, aux chrétiens qui fêtent Pâques et leur dire que la France ne les oublie pas ».
La veille, les députés rencontraient des étudiants de l’université de Damas avec lesquels ils ont eu un échange. « Quoi que vous en pensiez, vous avez en France beaucoup d’amis ! », lançait Thierry Mariani, avant que son collègue Michel Voisin ne salue la reprise de Palmyre par l’armée arabe syrienne sous des applaudissements nourris.
Dans la salle, une jeune Alépine de 20 ans attrape le micro et s’adresse aux parlementaires dans un français impeccable : « j’ai un rêve… Que la France ouvre à nouveau son lycée français à Alep. J’y étais jusqu’en terminale avant que la guerre éclate et que la France se retire. J’ai dû aller passer mon bac au Liban en 2012, et la France nous manque. » À quelques rangs de là, un autre étudiant intervient : « hier, c’était vendredi saint pour les chrétiens, nous savons ce que cela veut dire ici, certains de nos camarades de classe ont été crucifiés par des opposants islamistes. Quel est votre message pour la Syrie ? »
Les députés accusent le coup avant d’assurer ces étudiants de leur soutien et de leur compassion : la guerre devient soudainement une cruelle réalité dans la bouche de ces jeunes Syriens pourtant déterminés à « résister ». « La nation syrienne doit regagner toute sa souveraineté, et vous devez décider de votre avenir », rassure Nicolas Dhuicq.
Une autre jeune femme regrette que la France ait décidé de sanctionner la Syrie en bloquant certains programmes culturels : « c’est ce que vous appelez la démocratie ? » À quelques rues de là, le fondateur du Centre des Arts Visuels lui donne raison dans un remarquable français lui aussi : « la France m’a éduqué, et j’ai du mal à comprendre qu’elle se soit retirée de la Syrie si vite. Je ne parle pas ici de politique, mais de culture. L’embargo nous empêche par exemple d’importer de la peinture ou des pinceaux pour nos artistes… Je ne crois pas que cela ait grand-chose à voir avec les relations diplomatiques ! » Lorsqu’on lui demande comment il continue à faire vivre son « work shop », il répond avec lassitude : « nous achetons de la moins bonne qualité ailleurs, ou alors nous faisons des allers-retours à Paris où nous sommes obligés de payer en cash parce que nous sommes Syriens. La France a pourtant des amis ici, qui se sentent abandonnés ! » Son émotion est visible lorsqu’il salue cette délégation française : « vous nous avez tant manqués », ajoute-t-il encore.
Retour au patriarcat melkite catholique de Damas, en ce matin de Pâques : « nous sommes les enfants de la résurrection, qui offre tellement plus que le terrorisme », poursuit le patriarche devant son église comble de mines réjouies.
Les députés filent vite rencontrer le président Bachar el Assad après la messe. Le dirigeant très controversé est pour ces députés « un acteur incontournable, qu’on le veuille ou non. » Et de fait, l’homme dont on annonçait la chute dès 2011 est toujours à la tête de son pays et de son armée. « Nous avons un ennemi commun et les récents attentats nous l’ont malheureusement rappelé dans le sang. La Syrie est devenue la plaque tournante du djihadisme, nous ne pouvons-nous permettre de multiplier les ennemis », explique Thierry Mariani, à l’origine de ce voyage organisé avec l’association SOS Chrétiens d’Orient.
L’après-midi même, c’est le grand mufti de Syrie qui salut chaleureusement la délégation : « vous êtes un porte-bonheur : aujourd’hui nous fêtons Pâques et la libération de Palmyre », sourit-il avant d’appeler les parlementaires à œuvrer pour le retour des relations diplomatiques, poétiquement : « on parle souvent du français comme de la langue de l’amour, dites aux Français que nous attendons le retour de cet amour avec impatience ! »
* Une organisation non gouvernementale culturelle syrienne, tournée vers la reconstruction et le rayonnement du pays, dont les fondateurs sont presque tous francophones.
Un article de Charlotte d’Ornellas