Depuis sa création en 2013, l’association SOS Chrétiens d’Orient est active dans de nombreux pays où les communautés chrétiennes souffrent de persécutions et de nombreuses formes de violences. Marc Fromager, directeur de communication de l’association, nous explique les objectifs.
Où sont les Chrétiens d’Orient ?
Depuis sa création en 2013, cette association caritative qui vient en aide aux communautés chrétiennes d’Orient soutient 20.000 familles et a envoyé déjà 3000 volontaires.
Où se concentrent aujourd’hui les actions de l’association, comment situer géographiquement les Chrétiens d’Orient ?
Les chrétiens d’Orient, ont une origine géographique assez importante : du nord au sud de la Russie jusqu’à l’Éthiopie, en Afrique (en passant par le sud-est européen), et horizontalement de l’Égypte jusqu’à l’Inde, comprenant bien sûr tout le Proche-Orient, qui est le cœur du sujet.
En Inde, ce sont des syro malabar et syro malankar, par exemple. “Siro”, ça vient de Syriac, donc de la Syrie, parce que l’Église, comme vous le savez, est née bien entendu en Terre Sainte, et les premières communautés chrétiennes se sont diffusées à partir de là. Et c’est d’ailleurs en Syrie, à l’époque, qu’il y a eu un développement de l’église dans les quatre axes au nord, au sud, à l’est, à l’ouest et notamment vers l’est, l’Inde.
Parmi les Syriacs il y a une branche de Syriaques catholiques et une branche de Syriaques orthodoxes. Les seuls qui n’ont pas de branche orthodoxe, qui sont toujours restés en communion avec Rome, ce sont les Maronites au Liban. Selon les pays, les proportions sont différentes. En Irak, par exemple, il y a plus de catholiques que d’orthodoxes. La plupart des catholiques sont chaldéens, c’est un rite oriental catholique. En revanche en Egypte, pour donner cet autre exemple, l’immense majorité des chrétiens sont coptes orthodoxes et les catholiques ne sont qu’une minorité.
Marc Fromager, vous revenez d’Irak où vous avez assisté à l’inauguration d’une église. Est-ce là l’illustration de ce que réalise Sos Chrétiens d’Orient depuis 10 ans ?
Oui, c’était très émouvant. J’avais déjà eu la possibilité d’aller à Mossoul en 2018. Je rappelle que Mossoul a été la capitale de l’État islamique. Il faut savoir que la ville a été fortement détruite et le centre-ville a été rasé, donc la ville se reconstruit petit à petit. Lorsque l’État islamique est arrivé en 2014 leurs combattants ont laissé le choix aux chrétiens entre se convertir à l’islam, partir, ou mourir. A ma connaissance aucun chrétien ne s’est converti, ils sont tous partis. Non seulement ceux de Mossoul mais aussi ceux de la plaine de Ninive ; ça représente 125.000 chrétiens qui se sont réfugiés pas très loin de là, dans le Kurdistan irakien qui est une région autonome. Pendant longtemps ces chrétiens ont vécu en exil et après la guerre, après la défaite de l’État islamique, ils sont revenus au fur et à mesure.
Cette église Notre-Dame du Perpétuel Secours avait été passablement détruite, puis entièrement rénovée, ainsi que l’école chrétienne attenante et quelques commerces appartenant à des chrétiens, afin de leur offrir une espérance économique. En présence du patriarche chaldéen, le cardinal Sako, de l’archevêque de Mossoul, Monseigneur Najeeb, des autorités civiles et militaires.
L’association a pu les soutenir à travers toutes sortes de projets : d’abord il a fallu leur donner à manger – c’était une aide d’urgence bien sûr – une aide au logement, et puis une aide à la reconstruction. On aurait pu imaginer que reconstruire l’église n’était pas une priorité, mais c’est pourtant essentiel ! Parce que c’est un symbole, et pour les chrétiens, c’est un signe qu’ils peuvent rester et reconstruire.
La force du volontariat
Comment naissent les premiers contacts dans les zones où vous vous rendez ?
Depuis 10 ans, on a déjà envoyé 3.000 volontaires. Au départ, ça a commencé avec la Syrie, dans un village chrétien près de Damas, où les habitants parlent encore l’araméen. C’est un village qui était tombé aux mains de l’Etat islamique. Il y a eu des combats, puis l’armée a réussi à reprendre le contrôle du village. C’est là qu’on est intervenu pour la première fois.
Et puis à partir de la Syrie, il y a eu l’Irak, puis la Jordanie, le Liban, l’Egypte, l’Arménie, et maintenant l’Ethiopie. Ça s’est fait au gré des rencontres et des demandes que nous recevions de partenaires, d’interlocuteurs ecclésiaux. Petit à petit dans chaque pays, on a plusieurs antennes selon, encore une fois, les contacts que nous pouvons avoir, les besoins de l’église sur place. Sur place, on a en général un chef de mission qui est français, et quelques personnes salariées du pays, des autochtones. Ils sont vraiment irremplaçables car ils connaissent la langue, c’est eux qui vraiment nous apportent une aide précieuse. Ensuite ce sont des volontaires qui viennent de France, de Belgique, d’Italie, d’Australie.
Ce témoignage de fidélité au Christ dans les épreuves inconcevables fait d’eux nos maîtres en matière de foi. Nous avons tout à apprendre d’eux. Encore aujourd’hui ils ont envie d’assumer cette présence chrétienne !
Quelle est la force de ces communautés chrétiennes persécutées ?
Leur charisme et la leçon pour nous c’est leur témoignage de foi. En réalité, sur un plan pratique, ils auraient eu tout intérêt à devenir musulmans. Ceux qui étaient à Mossoul, par exemple, avaient une maison, un travail, et habitaient là depuis des générations. Le christianisme est arrivé en Irak bien avant l’islam, dès le premier siècle. C’est l’apôtre Thomas qui, sur le chemin de l’Iran et de l’Inde, est passé par là. Cela signifie que six siècles avant l’arrivée de l’islam, l’Irak était chrétienne. Ils ont tout perdu et ils auraient pu perdre leur vie.
Ce témoignage de fidélité au Christ dans les épreuves inconcevables fait d’eux nos maîtres en matière de foi. Nous avons tout à apprendre d’eux ! Et encore aujourd’hui ils reviennent dans leurs villages, ils ont envie d’assumer cette présence chrétienne sur leur terre dans un contexte pas encore sécurisé…
Dirigeons-nous vers le Pakistan où vous agissez pour délivrer des familles chrétiennes prises dans l’étau de l’esclavage. Vous les rachetez, en quelque sorte ?
Le Pakistan fait effectivement également partie de notre zone de travail. Pour le moment, ce sont encore des projets ponctuels, on n’a pas d’équipe permanente sur place. C’est un pays très majoritairement musulman, le deuxième plus grand pays musulman au monde après l’Indonésie, juste avant l’Inde et le Bangladesh. Les chrétiens représentent 2%, donc une extrême minorité. Vous avez quelques familles aisées (la bourgeoisie de Karachi) mais sinon, en général, ce sont des pauvres en bas de l’échelle sociale, qui habitent dans des zones rurales et qui, par le poids de l’histoire et de dettes contractées en sont devenus quasi-esclaves de propriétaires terriens dont ils n’arrivent pas à échapper pour des raisons de remboursement.
Nous intervenons avec l’église locale pour libérer certaines familles en leur donnant la possibilité d’avoir un logement à des conditions très intéressantes, et à trouver du travail pour leur permettre de recommencer une vie sans être à nouveau dans le plus grand dénuement. C’est un travail de longue haleine et une goutte d’eau sur l’océan des besoins. Mais on est très fier de pouvoir apporter cette aide avec l’espoir de déployer cette action dans le futur !
Comment soutenir les Chrétiens d’Orient concrètement ?
SOS Chrétiens d’Orient envoie en moyenne 70 volontaires sur le terrain en permanence. On est présents dans 7 pays et des dizaines de projets chaque année. La manière d’aider les chrétiens d’Orient, c’est d’abord de prier pour eux. À un moment donné, l’enjeu est presque “eschatologique” : que va devenir l’Église dans ces pays-là ? Il faut les aider, parce que dans beaucoup de ces pays, ils sont pauvres, ils sont abandonnés, l’Église n’a pas les moyens de continuer à s’en occuper.
En attendant que la situation s’améliore, on a besoin de dons. Se renseigner sur ce que vivent les Chrétiens d’Orient est très important à nos yeux. C’est la raison pour laquelle nous produisons de l’information. On produit des brèves et des articles pour informer sur les situations dans les pays concernés. Vous pouvez aussi venir avec nous sur le terrain, on organise des voyages régulièrement. Vous rencontrerez le mode de vie de ces chrétiens d’Orient, mais aussi celui de leur entourage, leurs voisins !