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A toi maman et à tous ceux qui cherchent !

« S’abandonner à la Providence.

« Dieu est injuste. » C’est une phrase que j’ai gardée secrètement au fond de mon cœur depuis des années. Incapable de comprendre pourquoi Il tolérait toutes les atrocités commises dans le monde et la raison pour laquelle il avait repris un des êtres les plus chers à ma courte vie : ma tendre mère. Alors, jeune enfant meurtrie, je me suis convaincue que ce Dieu m’avait oubliée ou puni et je Lui en ai voulu.

C’est le cœur dépourvu d’humilité que je quitte donc la France pour l’Irak, terre des premiers chrétiens, théâtre d’actes impardonnables, de persécutions où l’humanité et la charité furent bafoués. J’ai alors découvert un peuple oublié des Hommes, une région dont on pourrait aisément croire qu’elle a été condamnée par ce Dieu en qui j’avais tant de mal à croire. Un pays dont l’histoire fut marquée par les atrocités dont le peuple chrétien est victime chaque fois que les belligérants alentours requièrent un champ de bataille.

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Très vite, je me suis heurtée à une réalité qui a remis en perspective la notion d’injustice qui s’est enracinée en moi il y a des années. Nous sommes à Alqosh fin avril, dans un foyer irakien dont l’accueil et l’enthousiasme m’apparaissent démesurés au regard des simples volontaires que nous sommes. Nous rencontrons trois générations vivant sous le même toit de cette demeure typique de la plaine de Ninive. Intissar, la doyenne au sourire malicieux nous présente son fils Ranin et ses petits-enfants, deux énergiques bambins. Après évaluation de leurs besoins, nous revenons quelques jours plus tard avec un réfrigérateur.

Cela devait être une donation classique, des échanges en français, anglais et néo-araméen, agrémentés de tasse de thé et de gâteaux ; mais c’est une grand-mère au visage marqué par un déchirement profond que nous retrouvons. La peine que je lis dans ses yeux lorsqu’elle nous rapporte que son fils Ranin s’est exilé à l’étranger trois jours auparavant, brise quelque chose en moi. C’est avec violence que je prends conscience que ces familles peuvent s’exiler du jour au lendemain sans jamais revenir dans leur pays.

La dignité que s’imposent Evan Marqos, responsable des activités et John Dakali, responsable des projets, devant cette scène qui semble les toucher eux aussi, me contraint, par admiration et respect, à retenir les larmes qui noient le coin de mes yeux. Comment faire pour incarner l’image de l’espoir et du soutien dans un tel moment ? C’est le découragement et l’impuissance qui m’accablent à cet instant et me font éclater en sanglots à peine le pas de la porte franchi, à l’abri du regard d’Intissar. Un regard que je n’oublierai jamais, car malgré cette déchirure au sein de sa famille, elle nous fit un accueil inoubliable.

Je suis également déstabilisée par le contraste entre les horreurs de la guerre qui s’est passée ici et la force des chrétiens irakiens aujourd’hui. C’est selon moi très caractéristique de ce pays. Les stigmates de la guerre sont toujours apparents : les décombres qui furent autrefois des foyers, les familles traumatisées par les persécutions, les commerces abandonnés et l’exil massif des chrétiens dû au manque d’activité économique ; voilà tant de choses qui contrastent avec la chaleur, la beauté et la bonté des habitants de ce pays. La fierté de leur identité transparaît lors des fêtes religieuses, faites d’hommes et de femmes, vêtus de costumes traditionnels colorés. N’est-ce pas insensé que ce peuple persécuté pour sa religion se revendique, plus que quiconque, d’être chrétiens avant d’être irakien ?

C’est ainsi que j’ai compris que l’Irak était aussi incontrôlable qu’une tempête. Sur cette terre, impossible de se préserver en souhaitant contrôler des paramètres dont nous ne saisissons même pas les subtilités. En Irak vous pouvez lutter contre le vent à vous épuiser, ou vous laissez porter par le tumulte de changements, d’imprévus et de surprise. Je pense avoir compris peu après qu’il me fallait me placer dans les bras de la Providence et faire confiance à ce vent qui me porta les prochains mois.

Avec cette maxime en tête, je pense alors faire un sacrifice en prenant la responsabilité de la communication. Mais c’est un sacrifice que je suis prête à faire, sachant qu’il aidera les chrétiens d’Orient. Je me répète qu’il faut faire confiance à la Providence et au chemin qu’elle me propose. Et c’est sur ce chemin que j’ai tant appris. Alors merci Grégoire de m’avoir poussée à assumer ce rôle, merci Pétronille, responsable avant moi, Anne-Laure, Lucile, Agathe et Nicolas de m’avoir enseigné l’art de capturer l’essence d’un moment et de le partager au plus grand nombre.

Ma plus grande peur était de vivre ma mission derrière un appareil ou de retoucher les photos de quelqu’un d’autre, il est clair que c’est parfois arrivé. En étant derrière les caméras on se sent parfois invisible, comme spectateur de l’évènement. Les acteurs photographiés ne font pas toujours attention à nous, pourtant plusieurs fois j’ai reçu des regards qui changèrent ce sentiment d’être un petit fantôme appareillé. La plus marquante fut lors du pèlerinage de Pentecôte quand, à l’heure du départ, j’aperçus un moine de Karamless pénétrer l’enceinte de la cour du monastère de Rabban Hormizd. Toujours derrière mon objectif je le vis, à travers cette petite fenêtre digitale, s’approcher et attendre, avec une bienveillance se lisant sur ses traits, que je baisse mon appareil.

Il fut le seul religieux à me donner une bénédiction en ce jour du mois de mai. Ce moment vous semble peut-être futile, mais le regard transperçant de cette figure religieuse posé sur mon visage caché derrière l’appareil m’a rappelé que Dieu ne m’avait peut-être pas vraiment oubliée. Alors oui cette responsabilité de la communication peut sembler pesante mais quelle fierté d’immortaliser et quel sentiment étrange de s’attacher à des photos où nous n’apparaissons pas nous-même, mais qui sont témoins de grandeur et de la splendeur irakienne.

Toutefois, ces photos ne restent que le pâle reflet de ce pays insaisissable, l’Irak. Cette terre bercée par des changements bien loin de la demi-mesure. Ce sont des paysages que nous connaissions verdoyants en mars et qui sont maintenant d’un blond éblouissant. C’est la lumière du soir rasant et dorant les collines irakiennes, la traversée de vallées sur le chemin sinueux menant à Teleskuf où le ciel irakien me semblait si immense ; tout autant de paysages qui me manqueront terriblement.

Mais pas autant que l’Irak et ses habitants, qui vous accueillent si bien que, même après quelques mois, vous éprouvez cet étrange sentiment d’être chez vous. Je souhaite à chacun d’être accueilli comme lorsque l’on rencontre une famille chrétienne au Kurdistan. Et je ne parle évidemment pas là des délicieux gâteaux ou du thé qu’ils peuvent nous offrir.

Souvent les Irakiens aiment à nous remercier pour notre présence et notre aide, or c’est nous qui devrions les remercier. Ce sont eux qui nous changent et nous apportent bien davantage. Alors merci à vous peuple irakien, merci à vous chrétiens d’Orient, merci pour votre amour, pour votre bienveillance et pour la douceur de votre hospitalité.

Si je devais transmettre une chose aux futurs volontaires : dites oui, acceptez les opportunités et les responsabilités malgré la peur de ne pas être à la hauteur, engagez-vous pour de grandes valeurs, saisissez tous les moments humains partagés, embrassez les changements et les nouvelles éventualités. Si vous n’allez pas à son encontre, la Providence saura vous guider.

Dire merci à SOS Chrétiens d’Orient et à tous ceux qui ont marqué ces quatre derniers mois, ne suffirait jamais à exprimer toute la gratitude et la reconnaissance que j’ai d’avoir vécu cette expérience. Et je vous mentirais si je vous disais qu’aujourd’hui je sais que ma foi est inébranlable, mais j’aurais appris ici, grâce à des Irakiens et à des volontaires qui m’ont portée par leur foi débordante, que l’espoir est quelque chose qui se cultive et que le désespoir n’est pas une fatalité.

Ce sont les larmes aux yeux et sur mon clavier que je vous écris ces mots, ces simples traces sur du papier blanc qui dépeignent pour moi tellement plus qu’elles ne peuvent l’exprimer. Pour toi l’Irak, j’aurai versé de nombreuses larmes, des larmes de joie, d’incompréhension, de colère et de révolte, de chagrin profond, mais surtout des larmes de surprise et d’admiration pour ce peuple fier et infiniment bon. J’aurai peut-être été la théâtrale pleureuse de la mission mais je ne regrette aucune de ses gouttes exprimant toutes mes émotions pour le Kurdistan.

A toi maman, à vous chrétiens d’Orient et à tous ceux qui, comme moi, cherchent leur chemin. »

Lilou, volontaire en Irak.

Votre responsablede pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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