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De l’amour au pays des Cèdres.

Seigneur Jésus, Christ Ressuscité, mon bon ange gardien, inspirez-moi des mots justes, transparents, vrais et sincères.

 

Me voilà arrivée au terme de mon séjour de trente semaines au Liban. Trente semaines… qui sont passées à toute vitesse, mais qui, en même temps, me paressent être une éternité. Une mission de volontaire avec SOS Chrétiens d’Orient, c’est quitter son pays et son confort, quitter sa famille et ses amis, quitter sa routine pour se mettre au service des autres, dans un autre monde, comme une bulle, à part de la vie occidentale que nous connaissons.

 

Une mission avec SOSCO, c’est de l’action, beaucoup d’énergie, des rencontres et des tonnes de sourires, de l’émotion et de l’empathie, des rires, des messes, de la prière et beaucoup de joie.

 

Le père Guy Gilbert, dans son livre « Aimer plus qu’hier, moins que demain », nous appelle à être des serviteurs. Des serviteurs de Dieu, oui, mais des serviteurs d’hommes d’abord. Dans l’évangile de Saint Matthieu (25:40), Jésus nous dit : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. ».

 

Pour être un bon serviteur, il faut être pauvre soi-même, se débarrasser du plus, du trop, du superficiel, afin de se concentrer sur le plus important : l’autre.

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Si Dieu le veut, tous les jours de ma vie, je servirais. Je voulais donner de mon temps pour mes frères dans la foi, pour d’autres chrétiens, plus précisément des chrétiens d’Orient, mes aînés dans la foi puisque Jésus vivait sur ces terres. Mais servir comment ? Comment être utile ? Qu’ai-je à offrir ? Mes mains, mes bras, mon temps, c’est un début. En partant avec SOS Chrétiens d’Orient, j’aspirais aussi à apprendre. Je souhaitais me rapprocher de Dieu, affermir ma foi et la faire grandir. Je savais que j’allais apprendre beaucoup, sur le Liban, le Proche-Orient, sur la politique et l’économie, mais surtout sur l’histoire des chrétiens, sur Dieu et les Saints, sur ma foi.

 

La chaleur humide du mois de septembre m’accueille à la sortie de l’aéroport de Beyrouth. Un mois et demi après l’explosion du 4 août, les chantiers commencent timidement. Je suis envoyée avec les autres volontaires, pour déblayer des immeubles de leurs débris, bouts de verres et meubles cassés. Je me rends compte rapidement de la violence de l’explosion. Dans la cage d’escalier du premier immeuble, alors que je monte sur le toit pour y enlever les gravats, je note la présence, le long des murs gris et ternes, de traces de sang, du sang sec, des centaines de gouttes, des giclées mêmes, et des traces de mains ensanglantées. L’émotion me gagne devant ce tableau de violence.

Je pense à la douleur ressentie dans ces murs, aux blessures occasionnées, aux blessés, aux morts… Je prends un peu plus conscience de l’ampleur de cette explosion avec ses conséquences désastreuses. En faisant des allers-retours au quatrième étage avec des sacs de ciment de 25kg sur le dos, je sens le poids, le poids du sac, de la corruption omniprésente à Beyrouth, le poids que représente l’absence de gouvernement solide et durable, de l’état inimaginable de ce pays pourtant si beau, le poids aussi de la peine et de la douleur des Libanais. J’en ai le souffle coupé.

 

Le jour suivant, en me préparant pour une nouvelle journée de chantier, je sens mes jambes courbaturées. J’en suis heureuse, je me sens utile, vivante ! Ne pouvant rien faire de plus pour les familles touchées par l’explosion, ma douleur si minime représente ma compassion pour le peuple libanais. Je ressens que notre présence, pour aider un peuple qui n’est pas le nôtre, redonne du courage et de l’espérance aux Libanais que nous croisons et que nous aidons.

 

En tant que secrétaire générale, mon action fût bien différente. Je ne porte plus de sac de ciment, je ne rencontre plus les associations, je n’aide plus avec mes bras, mais avec ma tête. Alors que je reste dans le bureau, quand les volontaires partent sur les chantiers de reconstruction, je me concentre sur le travail administratif. J’apprends beaucoup, je rédige des contrats, parfois en anglais, je remplis des fiches projets, j’apporte mon aide derrière un ordinateur. Les documents, que je réalise, servent à la cause des chrétiens d’Orient puisque leurs aboutissements mènent au paiement de la scolarité des enfants d’une école à Qaa, l’achat de tous les livres scolaires pour les élèves d’une autre école près de Saïda. De sentir la reconnaissance des parents et les enfants en uniforme, si heureux de recevoir des livres destinés à leur apprentissage, m’a fait prendre conscience de l’importance de ma responsabilité. Pourtant si différente du travail physique réalisé en activité, il n’est pour autant pas moins important et satisfaisant.

Mon plus beau souvenir reste attaché au couvent des Soeurs de Jésus Crucifié. En janvier, alors que toutes nos activités ont été arrêtées pour respecter le confinement national, les Soeurs de Jésus Crucifié nous ouvrent les portes de leur couvent pour quelques jours et nous reçoivent chaleureusement et simplement. La trentaine de religieuses et novices vit dans le dénuement du fait de leur voeu de pauvreté. Afin de n’avoir aucune sécurité et de ne vivre que par et pour la grâce de Dieu, elles ne produisent rien, n’achète rien, elles n’ont pas d’argent. Elles se laissent porter par la Providence et reçoivent au centuple comme le Seigneur l’avait promis « Quand on a besoin, Dieu donne, et Dieu donne beaucoup ! », en voilà, de la Foi et de l’Espérance !

 

Et leur abandon est tel qu’il y a 5 ans, lorsque les forces de l’ordre libanaise toquèrent aux portes du couvent, un enfant dans les bras, elles recueillirent sans se poser de questions cet être chétif battu par ses parents. Aujourd’hui 17 autres ont rejoint l’orphelinat. Le dernier arrivé, le petit Carlo était seulement âgé d’un mois quand les Sœurs l’ont récupéré, posé devant la grande porte en bois. Après avoir renoncées à fonder une famille pour offrir leur vie à Dieu, les Sœurs se retrouvent, par un étrange coup du destin, responsables du bonheur de petits êtres assoiffés d’amour et de tendresse. Quel paradoxe !

Tous les soirs, je m’installais sur les marches dans la cour du couvent, orientées plein ouest, vers la mer. Alors, la pierre extérieure des murs, chauffée toute la journée, redonnait de sa chaleur au soleil couchant. Les teintes orangées, rosées et rouge se mélangaient avec le bleu de la mer et le soleil disparaissait dans l’horizon après avoir enflammé une dernière fois la Citadelle de Byblos qu’il est possible d’apercevoir depuis la montagne.

 

Ne pleurez pas parce que c’est fini, mais souriez parce que c’est arrivé.

Inès, volontaire au Liban

Votre responsablede pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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