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Là où les mots manquent et sont inutiles

Belle Arménie, terre de mes ancêtres, c’est d’un pas hésitant et timide que j’ai foulé pour la première fois ta terre meurtrie. Comme il me paraît loin ce jour où j’ignorais encore que tu ravirais un bout de mon cœur !

Ta capitale, Erevan, m’accueille de nuit à bras ouverts. Quelle douce euphorie de ressentir s’apaiser l’appel irrésistible des origines ! Les lumières scintillent, je découvre avec émerveillement ce monde nouveau et je comprends que ces quelques mois ici seront différents de tout ce que j’ai pu vivre jusqu’à maintenant.

Ma mission commence dès le lendemain. Je reste deux semaines à Erevan. Je découvre pour la première fois la région d’Ararat, où les volontaires réalisent la plus grande partie de leurs projets. Le contraste avec la capitale me marque : les paysages vides et arides rappellent le désert. Il s’agit de la région la plus pauvre du pays. Longues routes droites parmi les collines rocheuses, avec le mont Ararat qui se dresse fièrement au loin, je ne me lasserai jamais de nos heures en voiture pour aller travailler ! Les arbres fruitiers bordent silencieusement les routes, les Arméniens travaillent dans les champs sous un soleil ingrat.

ARMÉNIE
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SUR LE TERRAIN

Ce jour-là, je me rends dans les villages reculés, à la rencontre des familles les plus démunies. En franchissant le seuil des maisons avec les colis alimentaires, hygiéniques et vestimentaires, mon cœur se serre. Que pourrais-je dire ou même faire, qui changerait le quotidien de ces personnes ? J’écoute, j’observe, mais surtout, j’apprends. Belle leçon d’humilité d’accepter que notre simple visite, le café partagé, les regards et mots échangés les touche bien plus que l’aide matérielle que nous leur apportons ! Oh oui, elles connaissent bien mieux que nous le bonheur finalement, ces personnes qui savent accepter fièrement ce que Dieu a choisi pour elles.

Quelques jours après mon arrivée, nous prenons la route bordant le lac Sevan, en direction de Vardenis. A quelques kilomètres de la frontière azérie, nous chargeons inlassablement le camion avec 7 tonnes de pommes de terre. Sous la neige, nous visitons, famille après famille, les villages frontaliers, frappés par l’hiver rude. Encore une fois mon cœur se serre, je découvre l’injustice de la guerre. Un proche absent parti pour le front, quelques briques servant de maison, des rues désertes, des visages marqués par la vie… Mais bien plus fort encore, je découvre la simplicité et la force des Arméniens. Je me sens fière de faire partie de ce grand peuple qui a tant à m’apprendre.

Deux semaines plus tard, je suis envoyée un mois dans le sud du pays à Goris. Ton visage change, belle Arménie ! L’air frais du Syunik semble ramener un peu de vie, tes montagnes s’ornent à présent de fleurs, les prairies vertes s’étendent à perte de vue, les troupeaux arpentent les routes. La frontière se trouve aussi à quelques kilomètres, alors les projets ne manquent pas. Les semaines se suivent mais ne se ressemblent jamais, malgré le nuage de brouillard qui tombe sur la ville régulièrement !

Nous donnons des cours de français dans les villages, nous aidons les Arméniens sur différents chantiers : coulage de la terrasse d’une future piscine municipale, plantation d’un champ de maïs à la main, donation de plans de légumes à Kapan (à la frontière iranienne), aide dans les écoles de la région, préparation de colis pour l’Artsakh avec la paroisse, visites aux familles sur la frontière pour les futurs projets…

Au cours de nos journées, nous sillonnons la région. Belle Arménie, tu me surprendras toujours ! Au détour d’un chemin ou encore d’une forêt se dressent fièrement tes monastères à l’architecture si ancienne, témoins silencieux d’une foi et d’une histoire millénaire. Tatev, Sevanavank, Goshavank, Geghard, Noravank, Khor Virap… Berceau de la religion chrétienne, on y entre en silence et on écoute le passé ancestral de ces lieux sacrés.

C’est alors le moment pour moi de revenir à Erevan. Je retrouve avec joie la région d’Ararat et ses visages attachants. La barrière de la langue me frustre souvent, mais avec le recul je dirais que c’est aujourd’hui l’une des plus belles leçons que tu as pu me donner : j’ai appris à écouter et à parler avec les yeux et le cœur, là où les mots manquent et sont inutiles. A travers un sourire, on déchiffre l’histoire d’une famille, d’une maison, d’un village… Agir en silence, je n’oublierai pas cela.

Au cours des deux mois, nous réalisons un grand nombre de projets, principalement des chantiers. Nous construisons des étables, deux aires de jeux pour les enfants, une salle de bain dans une famille, posons une arrivée d’eau courante dans un foyer, donnons des animaux (poulets, vaches, cochons) ou des plans de légumes dans les villages, organisons des activités pour les enfants. Autant de projets variés pour que chacun ait l’occasion d’aider de son mieux.

Début juillet, j’ai l’incroyable chance de partir une semaine dans le Gegharkunik, région au nord-est de l’Arménie. Sur les bords du lac Sevan, véritable écrin de beauté dont tu n’es pas peu fière, nous aidons l’association Solidarité Arménie à encadrer un camp de vacances pour les jeunes. Entre danses traditionnelles, chants patriotiques à la lueur d’un feu et kholovat (barbecue arménien) sur la plage, je m’immerge avec bonheur dans la culture arménienne. Ces moments et ces rencontres à la fois si simples et vraies resteront mes meilleurs souvenirs.

A quelques kilomètres, les soldats protègent les frontières, la tête haute. Oh Arménie, tu n’as pas besoin de notre pitié européenne, ton peuple et ton histoire sont ta force ! Ils se battront quoi qu’il en coûte pour transmettre encore et encore cette identité, ce courage et cette fierté arménienne !

Je pars, mais une partie de mon cœur reste là le temps que je revienne, pays oublié. J’emporte avec moi ton âme empreinte de simplicité et de force. Visages aimés, je ne vous oublie pas. Vous avez su éveiller en moi la fierté timide d’être héritière de ce lourd passé. Alors de loin, je continue à me battre avec vous pour la paix.

Mille mercis à SOS Chrétiens d’Orient de m’avoir donné l’occasion de vivre cette mission sur l’une des premières terres chrétiennes au monde ! N’hésitez pas à vous engager auprès d’eux, mais surtout, n’oubliez pas l’Arménie dans vos prières ! »

Charlotte, volontaire en Arménie

Votre responsablede pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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