On me demande aujourd’hui de livrer un témoignage de ma mission en Irak. Une plongée de quarante-cinq jours dans le quotidien du Kurdistan irakien.
Des faits : ils sont nombreux. Des anecdotes : j’en ai pléthore.
Mais permettez-moi de m’éloigner volontairement des faits et des anecdotes pour précisément me rapprocher de l’essentiel.
Et, à mes yeux, l’essentiel réside ailleurs. L’essentiel est un trésor caché dans les émotions vécues et l’idéal poursuivi.
Plurielles, foisonnantes, déstabilisantes parfois, jaillissantes comme une source d’eau vive, ces émotions traversent votre existence de volontaire en même temps qu’elles la nourrissent.
À vivre en lien constant avec d’autres, elles ne vous quittent pas et s’expriment soudain quand vous ne vous y attendez pas, au détour d’un repas, d’une activité, d’une conversation, d’une prière collective.
Elles sont votre pain quotidien, votre remue-ménage intime, qui vous oblige à écouter, à accepter, à ouvrir en vous des portes dont vous pensiez n’avoir pas ou plus les clefs.
Votre idéal, lui, depuis que vous vous êtes décidez à partir en tant que bénévole, a pris la noble figure du don : don de votre énergie, de votre courage, de votre cœur, de votre esprit.
N’ayez peur : ce que vous allez recevoir en retour est immense, et à l’image de ce que vous aurez donné : énergie, courage, cœur et foi de la part de ces hommes, femmes et enfants rencontrés, approchés, soutenus. Il se peut que votre trajectoire personnelle à venir en soit complètement transformée.
Volontaire auprès des chrétiens d’Orient, cela fut beau, cela fut fort. Volontaire auprès d’une jeunesse française engagée, cela fut joie, cela fut grand.
Je pourrais le dire ainsi, en me saisissant d’un mot : le mot « découverte ».
Découverte d’une terre, d’une histoire, d’une culture, d’une géographie, d’une terre biblique, une histoire millénaire, une culture enracinée, une géographie aux confins des civilisations kurde, arabe, perse, ottomane, chrétienne.
Découverte de cette communauté toujours vivante, toujours ardente, qui est à la source de notre propre histoire et culture, à nous, gens d’Occident : les Chrétiens d’Orient.
Un peuple chrétien fier, résolu, combattif, le front haut.
Un peuple, certes meurtri par les guerres, les exils, les déportations, mais déterminé à assurer par sa foi et son labeur sa continuité dans le temps et dans l’espace nord-irakien qui est le sien.
Découverte encore d’une vie en collectivité avec des garçons et des filles d’une flamboyante énergie qui, au fils des jours et des épreuves partagées, sont devenus des amis formidables. Là fut pour moi l’émotion quotidienne.
Prier, chanter, rire, travailler, jouer ensemble. Former un groupe, une unité, par-delà les dissensions, les fatigues, les différences et les doutes. Œuvrer solidairement, généreusement, fraternellement avec mes dix compagnons, dont mon âge pourrait me faire le père, a été ma grande aventure en territoire kurde. Eux et moi étions appelés à nous rencontrer à ce moment de nos vies.
Nous avons soufflé sur l’obstacle générationnel comme sur un fétu de paille.
Mes jeunes compagnons de mission, je vous le dis : vous avez été un feu auprès duquel je me suis chauffé. Que vous en soyez loués !
Chrétiens du Kurdistan, d’Irak et d’Orient, je vous salue.
Volontaires chrétiens de France et d’Occident, je vous salue.
Ensemble, restons affamés du monde qui nous environne et des hommes qui le peuple.
Jérôme, volontaire en Irak.
Responsable des volontaires