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Souriez, vous êtes à Tripoli

 « J’écris cette lettre de fin de mission quelques heures après mon arrivée en France. Je ne peux m’empêcher d’avoir un pincement au cœur en repensant à tout ce qui m’est arrivé et en réalisant que je referme, avec cette lettre, une parenthèse à la fois annexe dans ma vie et pourtant si enrichissante.

J’aimerais donc mettre à plat mon ressenti sur cette expérience. Je ne chercherai ni à idéaliser le Liban ni à enjoliver ma mission avec SOS Chrétiens d’Orient. C’est d’ailleurs cette authenticité qui m’a le plus plu sur le pays et dans ma mission.

Mon premier chef de mission me disait dès mon arrivée au Liban qu’il n’était pas possible de comprendre le Liban, même après quatre mois de mission. Ce pays est trop complexe dans son histoire, sa culture, sa géopolitique, ses guerres, … Et quand quelque chose est si dur à saisir il faut se laisser surprendre.

C’est ce que j’ai essayé de faire me semble-t-il. Je n’ai pas cherché à comprendre, à contenir, à posséder. Je me suis plutôt laissé étonner, saisir, embrasser par ce qui est plus grand que moi, ce qui me dépasse. Je n’ai donc jamais compris tous les contrastes qui me fascinent encore. Ce pays, qui est un mariage entre la culture occidentale et la culture orientale, où les organisations religieuses et de quartiers suppléent aux organisations politiques, ce pays où j’ai trouvé les paysages somptueux et les grandes maisons de campagnes vides, ce pays où les gens sont si chaleureux et accueillants mais où certaines routes, villes et plages sont si sales, jonchées de déchets et infestés d’odeurs pestilentielles…

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Pour ma part, j’ai passé quasiment l’entièreté de ma mission à Mina, un petit village en partie chrétien collé à Tripoli, une des villes le plus pauvres de la Méditerranée. Et cette petite ville mérite davantage mon attention.

Pour elle-même, parce que cette ville est un petit village portuaire où tout le monde se connaît. Les petites rues étroites, où le quartier chrétien est particulièrement animé. Il n’est pas rare d’y voir le soir, deux-trois poissons, pêchés dans la journée, qui sont en train de griller sur un barbecue de fortune au milieu de la rue. A côté se trouve un groupe d’anciens, autour d’une table qui rient avec une bière à la main. Les enfants du quartier, se retrouvent aussi avec un vieux ballon de foot, qu’ils n’ont jamais réussi à bien gonfler parce que trop abîmé et qu’ils n’ont jamais réussi à crever parce que trop habitués à son sort.

Ils suent et rient. Ils crient et sourient. Quelle est leur joie si tu viens participer à leurs jeux ! Ils ne t’oublieront jamais. Dans cette même rue, les hommes trentenaires se retrouvent aussi avec leur chicha de chaque côté de la rue pour être sûrs de ne rater aucune discussion et aucun sourire. Deux scooters passent en vitesse dans la rue et s’arrêtent brutalement pour saluer un ami, un voisin, un cousin…

Le vent chargé d’embruns t’apporte les odeurs de la mer et de la corniche.

A ce même moment, elle est bouillonnante d’activité la corniche. Tous les habitants de Tripoli ont fui la chaleur épaisse de Tripoli, pour bénéficier du vent de la côte, à défaut d’obtenir une fraîcheur qui ne viendra jamais. Les températures ne baissent pas en été, jamais. Sur cette corniche tout se mélange jusqu’à tard dans la nuit. Les chrétiens et les musulmans, les tables des vieux et les jeux des enfants, des personnes riches et des enfants syriens qui réclament de l’argent. L’odeur de la mer, du maïs bouilli, de la glace, de la cigarette, de la chicha, de la pollution même. La vie bouillonne sur cette corniche.

Cette ville est aussi très spéciale pour les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient qui y sont présents.

Nous n’arrêtons pas de nous activer au sein des paroisses, auprès et de prêtres pour aider, des familles à visiter et à soutenir, des écoles et des enfants, des monastères et de couvents qui réclament de la main d’œuvre. Ils ont besoin de nous.

Ma vie en tant que volontaire a été rythmée par cette mission à Mina. Il faut essayer de toucher toujours plus de monde, d’aider toujours plus de chrétiens et grâce à tout cela essayer d’améliorer à notre échelle le quotidien compliqué des chrétiens qui sont de moins en moins nombreux à Tripoli et à Mina.

Je ne pourrai jamais oublier les enfants de l’école Saints Cœurs auprès de qui nous avons tant enseigné et donné notre temps et amour. Je n’oublierai pas non plus tous les enfants du centre, les enfants d’Ardeh, qui expriment toujours leur joie de te voir et qui pleurent le départ de chacun des volontaires. Je ne pourrai pas non plus oublier la famille Kaydouh qui s’occupent toujours aussi bien de nous. Merci Gaby pour tous ces cours d’arabe, ces cours de cuisine, et pour ton soutien infaillible envers l’association. Tu as toujours su prendre soin des volontaires et ton amitié nous est chère. Merci Elios aussi pour ta présence quand Gaby ne pouvait pas être là. Vous vous complétez très bien.

Je n’oublierai pas non plus toutes les familles chrétiennes que j’ai pu visiter, pour des simples visites ou des donations. Le regard des familles qui souffrent de problèmes matériels, de santé ou pire encore de solitude, m’a marqué pour toujours. Je me suis imprégné de leur douleur et on ne peut pas oublier ces choses-là. Les décrire dans cette lettre ne serait pas possible. Je n’oublierai pas non plus ce vieux monsieur, qui avait quelques dents en moins et qui jouait au backgammon, tous les jours au même endroit. Il n’y a pas eu une journée sans qu’il ne me dise bonjour et qu’il ne me demande comment j’allais avec un grand sourire. Je n’ai jamais su comment il s’appelait mais son sourire me suffisait.

Et puis enfin, je n’oublierai jamais tous les volontaires avec qui j’ai partagé cette mission et surtout ceux de Mina. C’est la partie la plus délicate de la mission selon moi, parce que chaque départ de volontaires a été une déchirure. Chaque fois que je restais là-bas et que les autres rentraient j’ai dû faire une espèce de deuil. Pour autant c’est aussi avec eux que l’on partage tous les moments, bons comme mauvais, mais surtout les bons. Alors je voudrais remercier Philippine, Enguerrand, Alix, Amaury, Berthille, Nicholas, Martin, Agathe, Louise, Sibylle et Jacques.

Bref je dois conclure cette lettre qui ne reflètera jamais toute la merveille qu’est le Liban et qu’a été ma mission.

Pour terminer, si vous me demandiez en une phrase que dire de la mission avec SOS Chrétiens d’Orient, je vous dirais qu’une mission avec cette association est formidable, et vraiment inégalable si elle se passe à Tripoli.

Que saint Elie et saint Charbel protège donc les chrétiens d’Orient, les Libanais et volontaires, qu’ils veillent aussi sur l’association et sur le pays.

Je ferme ainsi cette merveilleuse parenthèse, avec l’espoir de la rouvrir plus tard. »

Baudouin, volontaire au Liban.

Votre responsable de pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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